Derrière l’échec de La France insoumise, les errements stratégiques de Mélenchon

 

Par Rémi Clément le 28.05.2019 

Jean Luc MELENCHON - © Malick MBOW
Jean Luc MELENCHON – © Malick MBOW

Entre confusion stratégique et lignes idéologiques contradictoires, l’ancien sénateur socialiste et son entourage ont brouillé le message de La France insoumise. Le mouvement apparaît plus divisé que jamais.

 

Derrière l’échec de LFI, les errements stratégiques de Jean-Luc Mélenchon.

AFP – ERIC FEFERBERG

« Illisible », « incompréhensible », « opportuniste ». Les critiques s’accumulaient ce lundi 27 mai à propos de la stratégie électorale de La France insoumise, balayée dans les urnes dimanche lors des élections européennes. Avec 6,3% des suffrages, la formation de Jean-Luc Mélenchon fait à peine mieux que le Parti socialiste (6,2%) et émarge loin derrière Europe Ecologie–Les Verts, première force de gauche à 13,47%. Pour les mélenchonistes, qui se rêvaient en force centrale de la gauche –voire en opposant numéro un à Emmanuel Macron– le résultat est cruel. Il illustre les divisions internes et les nombreuses tergiversations stratégiques qui ont perturbé la campagne de La France insoumise, sur fond de rupture entre la ligne « populiste » de gauche, portée par des personnalités comme François Cocq et Djordje Kuzmanovic, et la ligne d’ouverture au centre-gauche incarnée par le choix de Manon Aubry, ex-militante de l’UNEF et responsable de l’ONG Oxfam, comme tête de liste.

« Jean-Luc Mélenchon n’est pas parvenu à fidéliser son électorat de la présidentielle qui est parti chez Place publique, chez Hamon ou à EELV », observe le sondeur Brice Teinturier. Pour le directeur d’Ipsos, différentes raisons expliquent l’effondrement surprise de la liste de La France insoumise: « Le vote sanction à l’égard d’Emmanuel Macron a été capté par Marine Le Pen, l’image même de Jean-Luc Mélenchon s’est fortement dégradée depuis 2017, Manon Aubry est restée relativement anonyme et La France insoumise a fait une campagne très critique, sans proposer de nouvelles idées. » Pour le député LFI de Seine-Saint-Denis, Eric Coquerel, le scrutin était piégé d’avance: « Les élections européennes n’ont jamais été faciles pour notre espace politique. Les classes moyennes qui nous avaient rejoint en 2017 se sont reportées vers une offre plus europhile, en l’occurrence EELV, tandis que les classes populaires des banlieues périphériques se sont abstenues. »

Le populisme de gauche abandonné?

A la décharge de Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise a vécu une campagne compliquée. La liste portée par Manon Aubry s’est constituée dans la douleur, après d’âpres négociations pour désigner les personnes en position éligible et le départ, au mois de novembre 2018, de Charlotte Girard qui devait co-piloter la campagne avec Manuel Bompard. La dernière ligne droite du scrutin a été marquée par une succession de revers de fortune. Le 15 mai, Andréa Kotarac, un ancien membre de l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon, élu régional LFI en Rhône-Alpes-Auvergne, est passé avec perte et fracas au Rassemblement national, alimentant les accusations de porosité entre LFI et le RN. Quatre jours plus tard, les insoumis étaient contraints d’annuler leur grand meeting de Stalingrad, à Paris, pensé comme le point culminant de la campagne, en raison des mauvaises conditions climatiques. « Il pleuvait des trombes d’eau », se souvient Eric Coquerel.

Ces clés d’explications ne suffisent pas à elles seules à justifier un score aussi faible. Pour beaucoup de membres de La France insoumise, c’est avant tout la confusion stratégique initiée par l’abandon du populisme de gauche qui a conduit à cette relégation électorale. « On a hypothéqué un travail de long terme qui permettait d’intégrer des personnes qui ne se reconnaissent pas forcément dans l’étiquette « de gauche », regrette un tenant de la ligne populiste chez LFI. En lâchant ce terrain pour privilégier une stratégie de rassemblement de la gauche, on a laissé la porte grande ouverte au Rassemblement national, qui est apparu comme la seule force politique capable de contester Macron et le « système ». Pourtant, parmi les « gilets jaunes », ou dans les zones rurales les plus touchées par la pauvreté et la précarité, les gens ne vont pas naturellement vers un discours xénophobe. »

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