Laser du lundi : Les motivations vaseuses du capitaine écervelé, excité et illuminé, Mamadou Dièye (Par Babacar Justin Ndiaye)


Babacar Justin NDIAYE - © Malick MBOW
Babacar Justin NDIAYE – © Malick MBOW
Le capitaine de cavalerie (arme blindée) Mamadou Dièye est-il un messie militaire, un bidasse illuminé ou un provocateur en mission commandée ? Il est jeune, beau et brave. Mais le capitaine est-il pleinement avisé ? Le doute est permis. Le scintillant Saint-Cyrien est-il visité par le Saint-Esprit ou par la Sainte-Excitation ? La réponse est hésitante. Joue-t-il au capitaine Dreyfus en quête d’un Emile Zola dans la presse sénégalaise ? Peut-être. La certitude carrée et partagée est que la démarche anticonformiste du capitaine atypique, intrigue grandement les observateurs. D’où la nécessité de lire les tribulations de l’officier subalterne sous l’angle des règlements militaires et à travers le prisme des réflexions et des opinions politiques que le capitaine, lui-même, étale abondamment dans les médias.

Il serait fastidieux de faire une balade dans les dédales des règlements militaires. Rappelons seulement qu’un engagement de huit ans lie habituellement l’élève-officier à l’armée. Un temps qui couvre la durée des études et offre la garantie que le futur officier d’active ne disparaitra pas dans la nature, avant douze ans de service, au minimum. La presse indique que le capitaine Mamadou Dièye est à sa septième année. Par ailleurs, un officier qui écrit et signe une démission sans équivoque, peut normalement s’attendre à une réponse administrativement recevable, en dehors de tout grenouillage informel et avoué qui consiste à saisir tel aide de camp haut perché pour appuyer le dossier. Du reste, la loi permet à tout officier d’adresser une demande d’audience au Président de la république (chef des armées) via sa hiérarchie. Le CEMGA, ultime destinataire, donne un avis favorable ou défavorable, tout en transmettant la demande à qui de droit. Bref, cette affaire aurait pu être moins mouvementée.

Du point de la sécurité militaire et de la vigilance prévôtale, les questions tombent dru. Depuis 2017, le capitaine Dièye est à mi-chemin de la démission amorcée et de la désertion effective, sans être neutralisé. Dans l’interview publiée par « Le Quotidien » du samedi 12 mai, le déserteur-démissionnaire révèle un séjour professionnel et personnel à l’IRIS de Paris. Donc des va-et-vient tolérés entre la France et le Sénégal via des aéroports bien surveillés à l’heure du terrorisme déchainé. C’est à se demander si le siège de DAKARACTU.COM n’est pas mieux surveillé que les frontières aériennes, maritimes et terrestres du Sénégal ? Des bizarreries qui donnent évidemment un relief particulier à cette affaire ruisselante de motifs de scepticisme et de méfiance.

Au chapitre du discours et à la lueur de la teneur, le fameux capitaine Dièye est incontestablement un Maréchal de l’amateurisme et de l’idéalisme politiques. En effet, l’exégèse de ses propos abrupts et de ses réflexions bâclées révèle plus un Tarzan à trois barrettes qu’un démiurge fulgurant. Sa feuille de route : changer le Sénégal et ses mœurs politiques. Vaste programme ! Un chantier herculéen pour la réalisation duquel, il a créé le mouvement NIT : la personne en langue ouolof. Putain – pardonnez-moi ce vocabulaire de corps de garde – on ne redresse pas un pays avec des thèses surannées. Idées sommaires égalent idées inopérantes. La réalité sénégalaise est trop complexe pour être modifiée par des vues courtes et populistes. N’empêche, l’image est, à la fois, saisissante et inquiétante. Un capitaine de l’arme blindée qui sort de la tourelle de son char, saute à terre et annonce sa volonté de battre Macky Sall, en 2019, en coiffant sûrement au poteau, les opposants les plus en vue dans tout le pays…Ouf ! Convenez avec moi que, sur ce coup précis, l’officier excité plonge profondément dans les entrailles du délire ! Délire délirant et délire dangereux.

Certes, beaucoup de capitaines ont fait irruption dans l’Histoire récente de l’Afrique : Marien Ngouabi, Jerry Rawlings, Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Dadis Camara et autre Amadou Sanogo. Toutefois, le capitaine diplômé du 25e BRA de Bignona doit savoir que le Sénégal n’est un pays et/ou un Etat dont on prend le contrôle à la hussarde. Ni électoralement ni martialement. Même si la patrie de l’Académicien Léopold Sédar Senghor subissait une défaite militaire de grande ampleur, fâcheusement ponctuée par un abandon de l’armée en rase campagne, comme au Mali (la honteuse fuite du Président ATT), ce n’est pas un capitaine qui enfilerait le manteau du messie à Dakar. L’appareil militaire est formaté de manière telle qu’un officier subalterne ne peut pas y faire la pluie et le beau temps. Ces évidences font que les analystes et les spécialistes se posent des questions sur la subite et fiévreuse passion du capitaine Mamadou Dièye pour la chose politique. Interrogations amplifiées par les contacts qu’il a vite pris, à Paris, avec des démembrements des Partis d’Idrissa Seck et d’Abdoul Mbaye. Par hasard : deux anciens Premiers ministres et deux opposants qui ont les relations les plus exécrables avec le Président Macky Sall. Capitaine-justicier ou capitaine-provocateur en mission commandée, en vue de créer les conditions d’un imaginaire complot civil-militaire qui mouillerait deux candidats à l’élection présidentielle. Et les catapulterait devant les juridictions qui ont remplacé la Cour de sûreté de l’Etat ? Un contexte pré-électoral est, aussi, un printemps des manigances.

En effet, la démarche du jeune capitaine laisse d’autant plus perplexe que les motivations mises en avant restent vaseuses. Evasivement, le capitaine déplore une vocation peu ou prou déçue, signale des valeurs morales en baisse, regrette une éthique en déliquescence et pointe un professionnalisme en berne dans l’armée. En gros, le capitaine dénonce, à mi- mots, des magouilles. Connaît-il une armée au monde où les valeurs morales irriguent tous les effectifs et où les performances professionnelles sont aussi impeccables que les munitions ? Chaque pays dispose de l’armée de ses moyens humains, financiers et matériels ; nonobstant la dimension standard ou universelle qui rapproche les institutions militaires d’Australie, du Sénégal et de la Pologne etc. Il s’y ajoute que toutes les guerres sont partiellement opaques. On ne fait pas la guerre comme on joue une partie de tennis. Une guerre n’est jamais auditée comme une caisse d’avance.

Manifestement, le capitaine Mamadou Dièye est plus diplômé que cultivé. S’il avait lu les minutes du procès du capitaine Moustapha Adib des FAR devant le Tribunal militaire de Rabat, en février 2000, il aurait appris que des colonels marocains se livrent à un intense trafic de carburant au Sahara Occidental. Donc rien de nouveau sous les drapeaux, ici et ailleurs. S’agissant des secrets de type « défense nationale » que le capitaine prétend détenir et taire par patriotisme, je lui recommande la lecture des mémoires du Commandant Mahjoub Tobji, le dernier aide de camp du Général Ahmed Dlimi. L’ouvrage s’intitule « Les officiers de sa Majesté », et renseigne sur des secrets liés à la guerre du Sahara. Secrets qui ont hâté l’élimination du Général Dlimi par le Roi Hassan II. Dans tous les pays en guerre (Sahara Occidental, Casamance, Nord-Mali, Nord-Cameroun etc.), il existe ce stock de secrets bien enfouis. En fait, le capitaine de cavalerie n’impressionne que les journalistes non chevronnés et les politiques non initiés.

En définitive, le capitaine Mamadou Dièye est un immense, amusant et inquiétant objet de curiosité. Se prend-il pour l’unique lumière des Armées ? Est-il plus diplômé et plus éclairé que les Généraux François Ndiaye (Armée de terre) et Mamadou Diouf (Gendarmerie nationale) qui ont été jadis des capitaines calmes et stoïques durant leurs longues carrières, aujourd’hui, couronnées par des étoiles ? Bien entendu, le capitaine Mamadou Dièye a sa propre conscience qui n’est pas la copie conforme des consciences des autres officiers de l’armée. Il lui est donc loisible d’être un objecteur de conscience comme le fut le Général Paris de Bollardière qui démissionna de l’armée française, pendant la guerre d’Algérie, pour marquer son désaccord avec les pratiques de tortures. Mais un objecteur de conscience ne jette pas l’uniforme, pour lancer immédiatement un défi au Président de la république, à quelques encablures du scrutin de 2019. Voilà pourquoi l’affaire peu lisible du capitaine n’est pas anodine. Elle a les vertus d’un baromètre. Après la grève des enseignants et les tensions du 19 avril dernier, les agissements du capitaine allongent la liste des remous qui prouvent qu’il y a quelque chose de pourri au Royaume du Sénégal.

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