Algérie, Mauritanie, Sénégal, Mali : Erdogan à l’offensive

Bana-Al-Abed-et-Recep-Tayyip-Erdogan © Malick MBOW
Bana-Al-Abed-et-Recep-Tayyip-Erdogan © Malick MBOW

Le président turc entend consolider les relations de la Turquie avec l’Afrique et, en filigrane, mettre un terme à l’influence de l’imam Fethullah Gülen, à travers ses écoles.

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Publié le  | Le Point Afrique
Le président turc Recep Tayyip Erdogan (à gauche) et le président du Sénégal Macky Sall (à droite) tiennent une conférence de presse conjointe au Palais de la République à Dakar, au Sénégal, le 1er mars 2018.© Halil Sagirkaya / Anadolu Agency
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Depuis son arrivée au pouvoir, en 2003, le président turc Recep Tayyip Erdogan a entrepris de renforcer les liens entre la Turquie et le continent africain. D’abord, pour des raisons purement politiques. Les États africains ont appuyé la candidature de la Turquie au Conseil de sécurité de l’ONU en 2008. Ensuite, sur le plan économique, les hommes d’affaires turcs cherchant des débouchés en Afrique ont reçu l’appui du pouvoir de l’AKP, le parti d’Erdogan.

Aujourd’hui, cette stratégie semble à plus d’un titre vital au vu des relations que l’homme fort d’Ankara entretient avec l’Europe, mais aussi au vu de sa position sur le Moyen-Orient. Les quatre pays visités depuis lundi, l’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Sénégal, sont membres de l’Organisation de la coopération islamique. Mais un autre sujet figure en tête des priorités de Tayyip Erdogan : la lutte contre les « écoles Gülen », du nom de l’imam accusé par les autorités turques d’avoir fomenté le coup d’État de juillet 2016. Gülen, qui nie toute implication dans le coup d’État manqué, a ouvert plusieurs écoles sur le continent africain. Nombre de ces établissements ont été fermés depuis un an et demi à la demande d’Ankara.

Erdogan demande des gestes d’ouverture à Alger

Arrivé lundi en Algérie pour sa nouvelle tournée en Afrique, le chef de l’État turc, dont c’est la troisième visite en Algérie depuis son arrivée au pouvoir, a déclaré que « l’Algérie est l’un de nos plus importants partenaires commerciaux dans la région. […] Nous voulons renforcer nos relations sur les plans militaire, sécuritaire et culturel. »

Selon les médias étatiques algériens, 796 entreprises turques emploient plus de 28 000 personnes en Algérie. Les investissements turcs s’élèvent à plus de 3 milliards de dollars – surtout dans le textile, la pharmacie et la sidérurgie –, faisant de la Turquie le premier investisseur étranger en Algérie, hors hydrocarbures. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont par ailleurs atteint près de 4 milliards de dollars en 2017. Mais le président turc a insisté sur la nécessité pour Alger de s’ouvrir pour améliorer les échanges commerciaux.

« Nous voyons l’Algérie comme un îlot de stabilité politique et économique dans la région. Notre premier partenaire commercial en Afrique, c’est l’Algérie », a-t-il rappelé mardi. Mais « les investissements et le commerce gagneront en volume à mesure que le travail de nos hommes d’affaires en Algérie sera facilité », a-t-il souligné, sans autre détail, en présence du Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia et du ministre de l’Industrie Youcef Yousfi. Au terme de cet accord, dont les détails n’ont pas été dévoilés dans l’immédiat, Sonatrach fournira notamment la matière première pour la production de 450 000 tonnes de polypropylène par an.

Le président turc a ensuite été reçu par son homologue Abdelaziz Bouteflika, dans sa résidence de Zeralda, en présence d’Ahmed Ouyahia, d’Abdelkader Messahel et de Youcef Yousfi, le ministre de l’Énergie et des Mines.

5 millions de dollars pour le G5 Sahel

Preuve du rôle accru que la Turquie entend jouer en Afrique, Recep Tayyip Erdogan a annoncé mercredi soir à Nouakchott une contribution de la Turquie de 5 millions de dollars pour financer le G5 Sahel, la force militaire constituée par cinq pays africains pour lutter contre les groupes jihadistes actifs au Sahel.

« La Turquie fait partie des pays qui comprennent le plus les dangers auxquels sont confrontés les pays du Sahel. Nous avons donc décidé de consentir une aide financière de 5 millions de dollars [4 millions d’euros, NDLR] pour appuyer la force conjointe du G5 Sahel », a-t-il déclaré peu avant de quitter la Mauritanie. C’était la première visite d’un chef de l’État turc dans le pays.

Au Sénégal, la Turquie renforce ses pions

Le Sénégal et la Turquie ont signé, jeudi après-midi à Dakar, des accords de coopération portant sur le tourisme, le transport ferroviaire, le commerce, les hydrocarbures, l’énergie et les mines. « Ces accords marquent notre volonté commune de faire avancer avec vigueur les relations de coopération entre nos deux pays », a déclaré le président Sall au cours d’un point de presse commun.

Selon les statistiques officielles, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 205 millions de dollars en 2017 avec une balance commerciale largement favorable à la Turquie.

Le président Sall a indiqué que l’objectif à court terme est de porter ces échanges à 400 millions de dollars américains, rappelant que plusieurs projets de la ville de Diamniadio, à une quarantaine de kilomètres à l’est de Dakar, ont été réalisés grâce aux investissements turcs chiffrés à 300 millions de dollars américains.

« Avec chaque jour qui passe, nos relations avec l’Afrique se renforcent, sur les plans du tourisme, de la culture, du commerce et de l’enseignement » s’est félicité le président turc dès l’entame de cette nouvelle tournée. En décembre dernier, Erdogan avait effectué une autre tournée africaine, se rendant au Tchad, en Tunisie et au Soudan.

Les écoles Gülen dans la ligne de mire

En parallèle du renforcement des liens diplomatiques et économiques avec les pays africains, le président turc s’efforce de combattre l’influence qu’y a bâtie le prédicateur turc Fethullah Gülen, bête noire d’Ankara qui l’accuse d’avoir fomenté le putsch manqué en 2016. Le Sénégal et le Mali ont fermé lundi des écoles privées gérées par des groupes proches du prédicateur turc exilé Fethullah Gülen, une décision qui inquiète les parents d’élèves dans les deux pays.

Les autorités sénégalaises avaient en décembre 2016 déjà retiré l’arrêté d’agrément à cette association turque qui assurait depuis 1999 la gestion du groupe scolaire. Baskent Egetim, qui a dénoncé des pressions du président turc Recep Tayyip Erdogan, a été remplacée par la Fondation turque Maarif. Les avocats de Yavuz Selim ont depuis porté plainte contre l’État du Sénégal et l’affaire est pendante devant la justice.

Au Mali, un document officiel daté du 12 août, signé par le gouvernement et la Fondation Maarif, abroge les arrêtés de création et d’ouverture des quatre établissements dans le pays (dits « écoles Collèges Horizon »), trois dans la capitale et un autre à Ségou (centre). Ces écoles, qui comptent environ 3 000 élèves, ont été confiées à la Fondation Maarif dont le dirigeant Birol Akgün accompagne le président dans sa tournée actuelle.

Dès l’échec du putsch du 15 juillet 2016, qu’il accuse Fethullah Gülen d’avoir fomenté, ce que l’intéressé nie catégoriquement, le président Erdogan avait lancé une offensive contre toutes les écoles et universités du prédicateur, en Turquie et dans 120 pays.

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