Sénégal : Da Vinci à Dakar grâce aux nouvelles technologies

Un homme regarde une oeuvre de Léonard de Vinci lors de l’exposition « Opera Omnia Leonardo », organisée au Musée des civilisations noires de Dakar, Sénégal, le 22 janvier 2021.

Le Musée des civilisations noires de Dakar a accueilli une exposition inédite de chefs d’œuvres de Léonard de Vinci, rassemblés pour la première fois en Afrique de l’Ouest.

Amener la Joconde au Sénégal… Tel est le pari fou du Musée des civilisations noires de Dakar avec l’exposition « Omnia Opera Leonardo », développée en partenariat étroit avec l’Institut culturel italien. « Cet événement a été un grand succès. Malgré la pandémie de Covid-19, l’affluence a été particulièrement forte, en particulier le week-end », se félicite le professeur Hamady Bocoum, directeur du Musée des civilisations noires. « On a même vu des enfants venir avec leur classe, et revenir avec leurs parents ». Forte de son succès, l’exposition, qui a démarré le 16 janvier et devait se tenir jusqu’au 28 février, a même joué les prolongations pendant une semaine.

Un événement rendu possible par une prouesse technologique : celle du HD Visual painting, qui a permis, pour la toute première fois, de réunir dans un seul endroit les chefs d’œuvres du maître italien. Ce système permet de présenter des reproductions numériques des tableaux avec un système de rétroéclairage réglant l’intensité de la lumière ainsi que celle des couleurs et s’adaptant à l’environnement. Résultat : une expérience visuelle inédite, permettant d’admirer les œuvres reproduites sans perdre la qualité des originales.

« Les toiles sont rétro-illuminées avec deux lumières : une lumière blanche pour les tons froids, et une jaune pour les tons chauds. Cela permet de magnifier les reproductions », explique avec un enthousiasme non dissimulé Cristina Di Giorgio, directrice de l’Institut culturel italien.

« Les affiches de l’exposition m’ont intrigué. Quand j’ai lu “Opera Omnia”, j’ai cru qu’on jouait les opéras de Léonard de Vinci à Dakar », s’amuse Mamoudou, étudiant en droit à l’université Cheikh Anta Diop. Le titre prête en effet à confusion pour les non-latinistes : dans la langue de Jules César, le nom de l’exposition se traduit par « toutes les œuvres ». « C’est très émouvant de voir cette exposition au Sénégal, en particulier en période de pandémie, se réjouit l’étudiant. Je n’aurais jamais cru avoir la chance de pouvoir admirer ces œuvres de si près ».

À la genèse de ce projet atypique, un constat du professeur Antonio Paolucci, historien de l’art et ancien ministre de la culture en Italie. « Il s’est dit que pour voir toutes les œuvres de Vinci disséminées aux quatre coins de la planète, il faudrait faire des milliers de kilomètres, et voyager de l’Hermitage au Louvre en passant par Milan ». Un tour du monde culturel difficile d’accès pour de nombreuses personnes – et en particulier pour les habitants du continent africain.

ON RETROUVE UN PEU DU RÊVE SENGHORIEN DANS CE PROJET. IL CÉLÈBRE LE DIALOGUE DES CULTURES. »

Et pour cause : il est extrêmement difficile pour les musées africains d’avoir accès aux œuvres de maître disposées dans les musées occidentaux. Assurances aux tarifs prohibitifs, infrastructures insuffisantes en matière de conservation et de sécurité, coût de déplacement des œuvres : autant d’obstacles pour l’heure infranchissables. « Les budgets nécessaires à de telles expositions sont faramineux, déplore Hamady Bocoum. Or, il est dans l’intérêt de l’humanité que les œuvres voyagent. »

Pour le directeur du musée, cette exposition est un excellent moyen de remédier au désamour des populations envers leurs musées, qu’il a souvent constaté en Afrique de l’Ouest. « Les musées africains accordent souvent une place trop importante à l’ethnographie, déplore-t-il. Or l’intérêt d’un musée, c’est la rencontre avec l’autre. »

Le directeur du musée se félicite de l’affluence générée par cet événement hors normes, et espère accueillir bientôt une exposition du même genre, accueillant, cette fois, les œuvres de Picasso. « On retrouve un peu du rêve senghorien dans ce projet, conclut le professeur Bocoum. Car il célèbre le dialogue des cultures, et non leur affrontement ».

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