Le président du Sénégal Macky Sall au JDD : « J’assume mon soutien à la France au Sahel »

 

Macky   SALL© Malick MBOW
Macky SALL© Malick MBOW

 

23h00 , le 18 janvier 2020

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Venu signer l’Initiative de Lomé contre les faux médicaments, le chef d’Etat sénégalais Macky Sall évoque, en exclusivité pour le JDD, la lutte de son pays contre le terrorisme, et la politique franco-africaine.

 

Le président sénégalais Macky Sall en octobre 2019 lors du sommet Russie-Afrique à Sotchi. (Kirill Kukhmar/Tass/Abaca)

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Le président du Sénégal Macky Sall était à Lomé, au Togo, samedi, pour signer avec six autres Etats africains un pacte contre le trafic de faux médicaments. « L’initiative de Lomé n’est que la première étape de ce combat », veut croire le chef d’Etat au JDD dans une interview exclusive. Dans un contexte de recrudescence du terrorisme djihadiste au Sahel, Macky Sall réaffirme également sa « solidarité » à la France, qui intervient militairement, alors que le sentiment anti-français va croissant dans la zone. Il appelle de ses voeux la formation d’une « coalition internationale ».

Lire aussi – Florence Parly, ministre des Armées, au JDD : « Notre combat au Sahel appartient au temps long »

Comment s’illustre le trafic des faux médicaments dans votre pays?
Par des saisies régulières de camions entiers. De 50 à 60% de ce trafic mondial concerne l’Afrique. C’est un tueur silencieux dont les méthodes sont de plus en plus difficiles à détecter. Comme un dollar investi dans ce trafic en rapporte 500, je vous laisse imaginer son taux de pénétration dans les officines et jusque dans les hôpitaux.
Avec des profits énormes qui favorisent une corruption à tous les niveaux…
Ce trafic excelle avec la corruption. C’est pourquoi je me suis engagé dans une lutte farouche au niveau législatif pour dissuader ceux qui seraient tentés de s’y soumettre. Notre pays a également signé la convention Médicrime et a engagé la création d’une agence panafricaine du médicament afin de mieux coordonner la lutte.

On a fait [une coalition internationale contre le terrorisme] pour la Syrie et l’Irak, pourquoi pas chez nous?

Comment lutter alors que ce trafic alimente aussi les terroristes?
Il faut tarir les sources de l’un et de l’autre. Cela ne se fera pas en un jour et il faut que ce continent se dote de pionniers en la matière pour qu’on puisse affronter cet ennemi avec l’Union africaine puis au niveau international. L’Initiative de Lomé n’est que la première étape de ce combat.
Faites-vous partie de ceux qui remettent en cause l’efficacité ou le principe même de la présence militaire de la France au Sahel?
Non, j’assume ma solidarité avec la France et je plaide en faveur d’une coalition internationale contre le terrorisme au Sahel. Lorsqu’un grand pays européen s’engage dans ce combat, il faut le remercier et en appeler d’autres à le rejoindre. On l’a fait ailleurs pour la Syrie et l’Irak, pourquoi pas chez nous alors qu’on sait parfaitement que Daech est en train de renaître ici en Afrique?

À qui profitent toutes ces critiques contre la France et ses alliés africains sur le terrain si ce n’est aux terroristes?

Pourtant, de plus en plus de segments de l’opinion publique au Sahel souhaitent que les forces étrangères s’en aillent…
À première vue, beaucoup croient que rien ne bouge et que la lutte contre les terroristes s’enlise et s’aggrave. Il y a beaucoup de manipulation dans tout cela. À qui profitent toutes ces critiques contre la France et ses alliés africains sur le terrain si ce n’est aux terroristes? Le Sénégal, lui, maintient son cap. Nous étions là dès le départ, sans attendre le mandat des Nations unies, et à la demande du Mali. Sept ans après nous avons toujours 1.300 soldats engagés aux côtés de la Minusma.
Le président Macron va réunir un sommet France-Afrique au printemps à Bordeaux. Quel bilan faites-vous de sa volonté de changer la relation entre Paris et le continent?
J’ai pu noter à son arrivée au pouvoir une grande volonté de changer la pratique des relations, d’installer son style personnel qui est à la fois jeune et décomplexé. Je crois qu’il a compris que l’Afrique de 2020 n’a plus rien à voir avec celle des années 1960, et que ma génération est née après les indépendances. On doit donc bâtir une relation plus pragmatique, gagnant-gagnant, en phase avec la compétition mondiale, dans laquelle l’Afrique doit tirer son épingle du jeu. Car il n’est plus possible, comme dans le passé, de s’endormir sur ses lauriers.

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