PSG : Neymar, le compte n’y est pas encore

Neymar2018 © Malick MBOW
Neymar2018 © Malick MBOW

Bertrand Métayer, Yves Leroy, Sébastien Nieto et F.G.|17 mai 2019,

Avec des absences répétées et son caractère, mais avec de belles performances, Neymar a su imprégner le PSG de sa marque. LP/Frédéric Dugit

Deux ans après son arrivée au PSG, le bilan de Neymar est contrasté. Grâce à lui, le club a changé de dimension, mais les résultats en Ligue des champions sont décevants.

Peu après 23 heures ce samedi, dans la lumière crue d’une poursuite de théâtre, Neymar brandira l’Hexagoal au milieu d’un Parc des Princes enamouré. Un deuxième Championnat de France pour l’acteur vedette de la L1, son incontestée star n°1. Le Brésilien aura cependant été un intermittent du spectacle dans la conquête de ce trophée, le seul d’une saison au palmarès famélique pour un club de la dimension du PSG. Une déception au regard des attentes suscitées par l’arrivée du prodige dans la capitale à l’été 2017.

En rachetant pour 222 millions d’euros la clause de départ du Barcelonais, le PSG avait écrit en très grosses lettres son nom sur la carte du football mondial. Candidat naturel à la succession des icônes Lionel Messi et Cristiano Ronaldo pour le titre de meilleur joueur du monde, Neymar était la tête de gondole idéale pour permettre à Paris d’atteindre son objectif de devenir une des plus grandes franchises mondiale du sport.

Son génie balle au pied, sa belle gueule et ses dizaines de millions de fans sur les réseaux sociaux ont déjà permis à Paris d’entamer le retour sur investissement. Sur le terrain en revanche, le bilan est en clair-obscur. L’éclat de ses fulgurances et de ses buts à la pelle est estompé par la frustration née de l’accumulation de ses absences. Ses fractures du pied droit l’ont écarté deux ans de suite des joutes du printemps, la période où tout se décide et surtout tout se gagne.

Sans Neymar, c’est évidemment plus difficile. Le n°10 est venu à Paris pour remporter la Ligue des champions et briguer le Ballon d’or. À désormais 27 ans, il entre dans les plus belles saisons de sa carrière et elles vont s’écrire à Paris. Les appels du pied du Real Madrid et le supposé désintérêt de Neymar pour le PSG évoqués l’été dernier ne sont pas réapparus. L’implication du Brésilien depuis son retour sur les terrains et son leadership plus assumé illustrent peut-être un changement décisif. Comme si Neymar voulait prendre sa revanche après deux saisons en demi-teinte.

LE SPORTIF. Une étoile et ses éclipses

/LP/Olivier Lejeune

Le bilan sportif de Neymar après deux saisons au PSG est une question de point de vue, côté pile l’émerveillement, côté face une immense frustration. Les statistiques donnent un aperçu de cette double lecture. Jamais un joueur n’a compté une telle empreinte statistique sur le PSG. En 58 rencontres avec Paris, le Brésilien a marqué 51 buts et offert 28 passes décisives. Colossal. Depuis sa signature en août 2017, un autre chiffre impressionne : les 50 rencontres que l’ex-Barcelonais a ratées, sur suspension, parfois, sur blessure, la plupart du temps.

Quand il a joué, Neymar a globalement confirmé ce pourquoi le PSG avait cassé les codes du football mondial, en dépensant tant l’arracher au Barça. Un niveau de jeu de Ballon d’or potentiel, par ses dribbles, son emprise sur les rencontres et ses coups d’éclat. Ney a parfois disparu avec son équipe, comme au match aller cette saison à Liverpool (3-2). Le retour contre la même équipe, même sans marquer, est en revanche un modèle de son incroyable influence, un jour où il prend l’équipe en main.

Son triplé contre l’Étoile Rouge (6-1), cette saison, sa prestation contre le Bayern Munich (3-0) ou son quadruplé contre Dijon (8-0), l’an dernier, sont d’autres récitals. En finale de la Coupe de France, perdue contre Rennes (2-2, 6 t.a.b à 5), il a été l’un des rares au niveau pendant 120 minutes, même en revenant de trois mois d’absence. À son arrivée, Tuchel avait été très clair, en estimant que l’ancien de Santos était « son joueur clé ». Malgré l’émergence de Mbappé, c’est bien Neymar qui reste le leader de l’équipe de la capitale et de son vestiaire.

Malheureusement, dans un cycle des saisons qui lui est propre, Neymar disparaît du ciel parisien avant même que le printemps pointe son nez. Sa fracture du 5e métatarsien du pied droit, contre l’OM l’an dernier, l’a privé du match retour contre le Real Madrid, après un faux suspense qui a pollué la vie du club. Cette année, la rechute contre Strasbourg l’a exclu de Manchester United. Des débâcles entretenant les regrets : « Ah si seulement Neymar avait été là… »

Ces absences placent l’attaquant face au même paradoxe que son club : lorsqu’on joue au PSG, on est évalué uniquement sur une poignée de rencontres dans la saison. Celles qui comptent vraiment, surtout au printemps, en Ligue des champions. Et sur ce plan, dans un scénario cruel dont le Brésilien est la victime et non le coupable, le compte n’y est pas.

LE BUSINESS. Un booster commercial

 

/LP/Téophile Pedrola

La conquête commerciale du PSG s’accélère. Après une première étape, entre 2012 (arrivée de Zlatan Ibrahimovic) et 2016, le recrutement de Neymar, une plus grande star encore que le Suédois, a porté en ébullition tout un club. Notamment dans les bureaux réservés au marketing au siège de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).

Si le club rouge et bleu s’est permis un tel investissement, c’est qu’il avait anticipé, aussi, les retombées économiques. De nombreux chiffres valident la stratégie parisienne. L’étude du cabinet Deloitte sur la saison 2017-2018, la première de Neymar, montrait une croissance des revenus parisiens de 55,5 millions d’euros, faisant grimper le PSG à la sixième place européenne avec 541,7 millions d’euros de revenus totaux, à une trentaine d’unités de Manchester City. L’étude du cabinet de conseil Brand Finance, dévoilée jeudi, ajoute même que la valeur de la marque PSG a bondi de 20 % en un an pour atteindre 914 millions d’euros. Astronomique.

« S’il n’y avait eu que Mbappé, qui n’était pas encore la star mondiale d’aujourd’hui en 2017, on n’aurait pas franchi ce cap économique aussi rapidement. Neymar nous a ouvert des portes, c’est clair », reconnaît un membre du club. Un autre facteur symbolise la réussite financière du pari Neymar : les ventes de maillots. Le numéro 10 brésilien a sans aucun doute permis au PSG d’attirer un nouveau contrat de sponsoring avec Jordan Brand. Conséquence : Paris va dépasser le million de tuniques vendues dans le monde. Du jamais-vu pour un club français.

Avec ses 116 millions d’abonnés sur Instagram (six fois plus que le PSG !), Neymar représente un produit marketing surpuissant, qui va bien au-delà des intérêts parisiens. Ce n’est pas un hasard si les droits TV de la Ligue 1 ont dépassé le milliard d’euros dix mois après l’arrivée de l’ancien du Barça en France. Des bénéfices que même un bilan sportif ou une image contrastés ne freinent pas.

L’IMAGE. Une star planétaire et clivante

 

/Redbull Contentpool/Flo Hagena

L’altercation avec un spectateur à l’issue de la finale de la Coupe de France, après un match formidable, résume l’image contrastée renvoyée par le Brésilien depuis sa signature au PSG. Celle d’une star au talent indéniable, mais au caractère imprévisible et sur laquelle ses dirigeants ont peu de prise. Cette saison, le numéro 10 avait décidé de montrer un visage avenant après une Coupe du monde où ses roulades avaient terni sa réputation. Régulièrement décrit comme un joueur « heureux à Paris », il inondait la Ligue 1 de son talent jusqu’à sa nouvelle blessure le 23 janvier.

Est-ce le fait de voir son corps le trahir une fois de plus ? Ou ses objectifs personnels (le Ballon d’Or notamment) le fuir de nouveau ? Le joueur a renoué avec sa part d’ombre après cet épisode. Ses insultes aux arbitres de PSG-Manchester United (1-3), son passage en béquilles au carnaval de Rio ou son anniversaire en grande pompe, à huit jours du huitième de finale aller de la Ligue des champions ont rappelé sa capacité à s’affranchir des règles communes.

Cela ne l’a pas empêché de briller sur le terrain dès son retour à la compétition le 14 avril. Et ses laudateurs ont opportunément insisté sur l’aubaine de la Ligue 1 de disposer d’une telle tête de gondole. On ne peut pas leur donner tort. Et c’est tout le paradoxe Neymar qui jouit d’une personnalité clivante jusque dans les rangs de ses propres supporters au Brésil et à Paris.

La saison dernière, certains d’entre eux ont été refroidis par ses états d’âme (une forme de saudade) qu’ils ont perçus comme un manque d’attachement au club. D’autres estiment qu’il aurait pu s’économiser le pénaltygate avec Cavani, ou sa partie de poker en ligne en même temps qu’il jetait un œil au PSG-Monaco scellant le titre parisien le 16 avril 2018. Autant d’épisodes qui rappellent que Neymar fait parler, parfois même au-delà du raisonnable. Et qu’il reste une formidable caisse de résonance de l’actualité du PSG. En bien ou en mal.

 

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