Cette phrase de Trump sur l’urgence nationale peut se retourner contre lui

TRUMP 2017 © Malick MBOW
TRUMP 2017 © Malick MBOW

Donald Trump, en affirmant qu’il n’avait « pas besoin » de « l’urgence nationale » pour construire son mur, s’est peut-être tiré une balle dans le pied.

  • Rédaction du HuffPost avec AFP

 

Donald Trump déclarant l’état d’urgence nationale à la Maison Blanche.

INTERNATIONAL – C’est à croire qu’il s’en est fait une spécialité. Lors de son discours vendredi 15 février au cours duquel il a décrété l’« urgence nationale »aux États-Unis, Donald Trump a expliqué les raisons qui l’ont conduit à faire ce choix, lui ouvrant la voie au financement du mur frontalier avec le Mexique.

Parmi ses arguments: sa volonté d’aller vite. « Je n’avais pas besoin de le faire mais je préfère le faire beaucoup plus rapidement », a-t-il lancé. Pas besoin? Voilà une bien curieuse façon de concevoir « l’urgence nationale », si celle-ci ne répond pas à un impératif vital, soulignent plusieurs journaux américains, dont le Washington Post. Face à ce qui peut sonner comme un aveu de faiblesse sur fond d’abus de pouvoir, la Maison Blanche a dû monter au créneau pour faire le service après-vente de la sortie de Donald Trump.

« La chose la plus importante à retenir, c’est qu’il ne devrait pas à avoir faire ça », a tenté de déminer la porte-parole de la présidence américaine, Sarah Sanders. « Le Congrès aurait dû faire son tout possible pour sécuriser complètement la frontière (…) le président aurait pu attendre, mais il aurait laissé encore plus de drogue entrer », sur le territoire américain, a-t-elle ajouté.

Bataille judiciaire

Reste que cette déclaration pourrait sérieusement menacer son initiative. Car dès l’annonce de « l’urgence nationale », les démocrates ont fait savoir qu’ils la contesteraient devant la justice. Au Congrès, la puissante commission judiciaire de la Chambre des représentants -contrôlée par les démocrates- a annoncé l’ouverture « immédiate » d’une enquête parlementaire.

« Les actes du président enfreignent clairement le pouvoir exclusif du Congrès de contrôle des cordons de la bourse », ont tonné les chefs démocrates du Congrès, Nancy Pelosi et Chuck Schumer. L’intense bataille judiciaire qui se profile à l’horizon devrait se focaliser sur la définition d' »urgence ».

La loi de 1976 « ne donne aucune limite explicite à ce qui constitue ou pas une urgence nationale », souligne auprès de l’AFP Jennifer Daskal, professeur en droit de l’American University. Les présidents américains ont certes souvent eu recours à cette procédure mais face à des menaces paraissant plus immédiates, comme le républicain George W. Bush après les attentats du 11 Septembre 2001 ou le démocrate Barack Obama en pleine épidémie de grippe H1N1.

La déclaration d' »urgence nationale » de Donald Trump marque un précédent, relève Jennifer Daskal, ajoutant que la loi « n’a jamais été employée de cette façon ». Cette première pourrait permettre à de futurs présidents d’invoquer cette loi dès qu’ils ne parviennent pas à convaincre le Congrès. Pourquoi un président démocrate ne s’en saisirait-il pas pour combattre d’autres « urgences », comme le changement climatique ou la violence par armes à feu, par exemple?

« Cela ne crée en rien un précédent », a affirmé Mick Mulvaney, chef de cabinet de la Maison Blanche par intérim. Employer des fonds destinés au Pentagone pour un ouvrage civil et désigner l’immigration clandestine comme justification d’une « urgence nationale » pourraient aussi offrir d’autres fondements à des poursuites, selon un expert en droit de l’université du Texas, Bobby Chesney.

Les règles du Pentagone établissent notamment que même s’ils sont redistribués, ces fonds destinés au départ à la construction doivent être employés pour des projets requérant « les forces armées ». « C’est le point le plus vulnérable dans ce contentieux », a-t-il estimé sur Twitter. Pour Jennifer Daskal, les propriétaires privés des terrains par lesquels doit passer le fameux mur pourraient ouvrir un autre front judiciaire.

À noter que ce n’est pas la première fois que Donald Trump se met lui-même en difficulté au détour d’une déclaration justifiant ses décisions. À la fin du mois de décembre, il avait affirmé qu’il ne blâmerait pas les démocrates en cas de shutdown. S’il ne s’est pas privé de désavouer sa promesse, le milliardaire est toutefois ressorti perdant de ce bras de fer. Ce qui l’incite aujourd’hui à recourir à « l’urgence nationale ».

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