Baye Dame, le talentueux développer sénégalais qui explore l’art digital

BAYDAM© Malick MBOW
BAYDAM© Malick MBOW

POUVEZ-VOUS NOUS RACONTER VOS ORIGINES ARTISTIQUES ?

Au tout début je n’étais qu’un simple consommateur d’arts tel que le cinéma, la musique et la littérature même si je dessinais juste pour m’amuser. Mes premières réelles envies d’expressions artistiques se sont plus développer quand j’ai commencé à fréquenter le centre Ker Thiossane et après avoir beaucoup travailler sur le projet MapMap un logiciel libre de Mapping Vidéo. Ça m’a permis de rencontrer, échanger et travailler en collaboration avec beaucoup d’artistes qui évoluent dans le domaine des arts numériques. Par la suite je me suis retrouvé immergé dans une recherche profonde et constante de nouveaux processus de création artistique.

VOUS DÉFINISSEZ-VOUS COMME UN ARTISTE DIGITAL ?

Je me considère comme artiste émergeant parce que même si j’ai trouvé un moyen d’expression à travers le langage numérique qui n’est plus un secret pour moi, je dois tout de même continuer à développer ma sensibilité artistique.

VOTRE PRATIQUE ARTISTIQUE S’EST-ELLE INITIÉE AVEC L’UTILISATION DU NUMÉRIQUE DIRECTEMENT, OÙ AVIEZ-VOUS ÉVOLUÉ D’UNE DISCIPLINE DIT AUJOURD’HUI « TRADITIONNELLE » VERS LE NUMÉRIQUE? QUEL PARCOURS AVIEZ-VOUS SUIVI ?

J’ai toujours eu cette passion pour l’informatique depuis que je suis petit, déclenchée certainement par mon père qui m’a fait découvrir l’ordinateur à l’âge de 10 ans. De là est née cette obsession de vouloir comprendre comment marchent ces machines jusqu’au jour où je découvre en lisant un livre sur l’informatique qu’elles n’étaient rien d’autres que des super calculatrices, dont tous ses programmes ont été créés par des humains. Et de là je me suis dit si des humains ont créé ces programmes qui donnent l’impression que les ordinateurs sont intelligents alors pourquoi pas moi ? C’est à partir de ces instants que je me suis mis à apprendre à programmer. Avant de devenir artiste j’étais déjà un programmeur

PARLEZ-NOUS UN PEU DE VOTRE TRAVAIL ARTISTIQUE, VOTRE UNIVERS, VOS INSPIRATIONS, LES SUJETS QUE VOUS MOTIVENT.

Fasciné par les systèmes interactifs et génératifs, j’utilise les technologies des arts interactifs pour créer des œuvres, prenant pour horizon théorique la sphère des interactions humaines.
La programmation informatiques et les algorithmes sont au cœur de ma pratique. Je privilégie les logiciels libres (open source) et la collaboration, afin d’associer davantage l’art à la science. Je cherche toujours à collaborer avec d’autres dans les autres disciplines comme la danse, le graffiti, ou même la musique. Mes inspirations peuvent me venir de partout allant de la diversité culturelle linguistiques et naturelle des humains, en passant par l’évolution mentale des enfants par rapport à leur environnement jusqu’à l’impuissance des humains face aux machines. L’immersion, l’illusion optique et la perception de l’espèce qui nous entoure sont pour moi des sujets très passionnant.

DANS VOS CRÉATIONS NUMÉRIQUES, VOUS TRAVAILLEZ SEUL OÙ IL S’AGIT D’UN TRAVAIL COLLECTIF AVEC L’INTERVENTION D’UNE ÉQUIPE TECHNIQUE QUI OFFRE DES SOLUTIONS À VOS RECHERCHES ARTISTIQUES ?

Dans la plupart de mes créations numériques je travaille plus souvent avec les autres membres du laboratoire VX Lab qui sont des gens multidisciplinaires, et parmi eux il y a des graphistes, des électroniciens, des ingénieurs en électromécaniques, des développeurs et autres. En gros je travaille rarement seul sur mes projets d’arts numériques.

DANS VOTRE ENVIRONNEMENT, QUELLES SONT LES PRINCIPALES CONTRAINTES POUR UN ARTISTE QUI CHERCHE À EXPÉRIMENTER ET À CRÉER AVEC LES MÉDIAS NUMÉRIQUES ACTUELS ?

Les principaux contraintes qui peuvent empêcher un artiste dans cet environnement d’expérimenter sont souvent le manque d’espaces, de matériels et d’outils nécessaire ou même l’absence d’une veille technologiques afin d’avoir des informations sur les outils et tendances actuels. Le manque de subventions également qui lui permettront de subsister pendant les moments de recherches et de développement peut aussi être un frein.

EXISTE-T-IL DANS VOTRE PAYS UNE DYNAMIQUE AUTOUR DE LA CRÉATION NUMÉRIQUE : DES ÉVÉNEMENTS, DES SUBVENTIONS, DES CENTRES DE RECHERCHE, DE FORMATIONS, DES ESPACES DE RENCONTRE, AUTRES ?

Pour le moment il n’existe pas encore une telle dynamique autour de la création numérique, malgré les événements initiés par les EUNIC lors de la biennale et le festival Afropixel organisé par Ker Thiossane. Il faut noter que les promoteurs et les médias culturels sont très conservateurs ce qui fait qu’ils se concentrent toujours sur les arts traditionnels et ne ressentent pas le besoin de voir ailleurs.

Depuis la création de VX Lab nous avons jamais reçu de subventions malgré les démarches effectuées pour obtenir des financements de la part des institutions et jusque-là nous finançons nous même nos recherches. Il y a Ker Thiossane et TRIAS CULTURE  qui sont également des centres de recherches mais, mis à part VX Lab et ces deux derniers il n’en existe pas d ‘autres à ma connaissance. Il n’y a pas vraiment beaucoup d’artistes locaux qui évoluent dans le domaine des arts numériques, même à côté beaucoup de gens utilisent des outils numériques dans leurs créations.

QUELLE-EST LA RÉPONSE DU PUBLIC DANS VOTRE PAYS VIS-À-VIS DES ŒUVRES NUMÉRIQUES ?, QUEL TYPE DE PUBLIC ASSISTE USUELLEMENT À CE TYPE D’ÉVÉNEMENTS ?

Paradoxalement le public est très excité lors qu’il se retrouve en face d’un œuvre d’art numérique ou assiste à une performance de ce genre sans même pour autant savoir que c’est de l’art numérique. Et il arrive même que des gens nous commandent une performance mais une fois confrontées à la dure réalité – qui est que le coût des installations reste toujours élevé- ils reviennent sur leurs propositions.

AVIEZ-VOUS DÉJÀ PARTICIPÉ À UN CONCOURS D’ART NUMÉRIQUE ? RACONTEZ-NOUS….

J’ai eu à participer à plusieurs résidences de création dans le monde mais je n’ai jamais participé à un concours d’art numérique.

AVEZ-VOUS DES CONTACTS AVEC DES RÉSEAUX D’ARTISTES LATINO-AMÉRICAINS ?

Pas vraiment, en tout cas pas dans le domaine des arts numériques. J’ai une fois rencontré deux danseuses brésilienne à Dakar avec qui j’ai échangé un peu. J’ai parmi mes contacts une artiste des nouveaux médias d’origine bolivien mais qui vit en Espagne.

COMMENT ENVISAGEZ-VOUS LE DÉVELOPPEMENT DE L’ART NUMÉRIQUE DANS VOTRE PAYS ET EN AFRIQUE ?

Le développent des arts numériques en Afrique et plus particulièrement au Sénégal doit passer d’abord par cette étape de vulgarisation en organisant beaucoup d’activités de partage de connaissances dans les différents endroits du pays, pas seulement à Dakar et en sensibilisant les publics, jusque-là très conservateurs, sur les enjeux économiques et culturels liés à ces disciplines.

Créer des espaces uniquement dédiés aux arts numériques ou les gens peuvent venir expérimenter, apprendre et échanger librement avec d’autres artistes dans le domaine. Et pour finir, mettre en places des mécanismes qui pourront permettre aux artistes de vivre de leurs arts, car même si les arts numériques restent très passionnants le problème de survie de ces artistes leur poussera à vouloir faire autres choses.

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