Abus : le pape rencontre des victimes irlandaises, Dublin lui demande d’agir

Pape FRANCOIS - © Malick MBOW
Pape FRANCOIS – © Malick MBOW
 

Entre foules chaleureuses et critiques acerbes, l’accueil du pape a été contrasté samedi dans ce pays catholique où l’Eglise s’est retrouvée, à partir des années 1980, au cœur de plusieurs scandales retentissants.

Moment très attendu par la population, le pape François a rencontré samedi en fin de journée pendant une heure et demie huit victimes irlandaises d’abus commis dans le passé par des membres du clergé, des religieux et des personnes au sein d’institutions catholiques.

Parmi ces « survivants », Paul Jude Redmond et Clodagh Aileen Malone, furent adoptés illégalement après avoir été retirés à leurs mères non mariées avec la complicité d’institutions catholiques.

« Le pape nous a demandé pardon pour ce qui c’est passé dans ces maisons » pour filles mères, ont-ils raconté dans un communiqué, impressionnés par son écoute attentive.

Le pape a aussi parlé avec une victime du prêtre catholique Tony Walsh, qui a fait subir des sévices sexuels à des enfants durant près de deux décennies avant d’être défroqué et emprisonné.

Le Pape François prie dans la pro-cathédrale St Mary's à Dublin, le 25 août 2018, pendant sa visite en Irlande pour assister à l'édition 2018 du Festival des familles/POOL/AFP

Le Pape François prie dans la pro-cathédrale St Mary’s à Dublin, le 25 août 2018, pendant sa visite en Irlande pour assister à l’édition 2018 du Festival des familles / POOL/AFP

François avait auparavant prié en silence avec l’archevêque de Dublin Diarmuid Martin devant un cierge dédié depuis 2011 aux victimes irlandaises d’abus sexuels, dans la pro-cathédrale St Mary’s à Dublin.

De sordides révélations la semaine dernière sur plus de 300 « prêtres prédateurs » ayant commis des abus sur mille enfants en Pennsylvanie (USA) ont mis le pape François au pied du mur dans ce dossier.

– « Justice » aux victimes –

A la mi-journée, il a été accueilli sans langue de bois au château de Dublin par le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, qui lui a demandé d’utiliser sa « position » et son « influence » pour rendre « justice » aux victimes d’abus commis par le clergé en Irlande mais aussi dans le monde entier.

« Nous devons à présent veiller à ce que les paroles soient suivies par des actes », a-t-il insisté, ajoutant sa voix à celles de plus en plus nombreuses de prélats de l’Eglise et de victimes d’abus.

Après avoir écouté gravement M. Varadkar, François a exprimé samedi sa « honte » et sa « souffrance » face à « l’échec des autorités ecclésiastiques– évêques, supérieurs religieux, prêtres et autres – pour affronter de manière adéquate ces crimes ignobles » dans le passé en Irlande.

Le Pape François assis aux côtés du Premier ministre irlandais Leo Varadkar au château de Dubin le 25 août 2018, pendant sa visite en Irlande pour assister à l'édition 2018 du Festival des familles/POOL/AFP

Le Pape François assis aux côtés du Premier ministre irlandais Leo Varadkar au château de Dubin le 25 août 2018, pendant sa visite en Irlande pour assister à l’édition 2018 du Festival des familles / POOL/AFP

« Je ne peux que reconnaître le grave scandale causé en Irlande par les abus sur les mineurs de la part des membres de l’Église chargés de les protéger et de les éduquer », a commenté le pape, dans un premier discours toutefois en retrait par rapport à bien d’autres prises de parole sur le sujet.

Ses paroles n’ont pas convaincu son ancienne conseillère sur les abus pédophiles du clergé, la victime irlandaise Marie Collins. « Décevant, rien de nouveau », a assené aux journalistes cette septuagénaire porte-voix des « survivants », elle-même victime à 13 ans d’abus sexuels de la part d’un prêtre.

Quelques heures plus tard, elle a fait partie du groupe de victimes reçues par le souverain pontife.

Pour Mark Vincent Healey, un survivant qui organisait samedi soir une conférence de presse, la journée a constitué « une opportunité manquée ». « Quand va-t-il agir? », s’est-il interrogé.

Depuis 2002, plus de 14.500 personnes se sont déclarées victimes d’abus sexuels commis par des prêtres en Irlande. La hiérarchie de l’Église irlandaise est accusée d’avoir couvert des centaines de prêtres.

Trente-neuf ans après la dernière visite d’un souverain pontife, le pape François est arrivé samedi en Irlande afin de clôturer la Rencontre mondiale des familles.

Les scandales de pédophilie qui entourent l'Eglise catholique/AFP

Les scandales de pédophilie qui entourent l’Eglise catholique / AFP

Signe que l’influence de l’Eglise recule spectaculairement en Irlande, le pays a légalisé en 2015 le mariage homosexuel, choisi un Premier ministre gay, M. Varadkar, en 2017, et libéralisé, en mai, l’avortement.

M. Varadkar n’a d’ailleurs pas ménagé samedi le pape argentin en lui indiquant que « les femmes doivent prendre leurs propres décisions » et que « les familles se présentent sous de nombreuses formes », y compris avec « des parents de même sexe ou des parents divorcés ».

Le pape François, parfois dépeint comme un révolutionnaire en raison de son langage direct, défend l’idéal catholique de la famille traditionnelle et se dit horrifié par l’avortement.

Face à des couples, il a rendu hommage samedi au sacrement du mariage, une union entre « un homme et une femme », « un papa et une maman » élevant leurs enfants.

Il a présidé samedi soir dans une ambiance détendue le Festival des familles, au stade Croke Park de Dublin, où étaient attendues plus de 80.000 personnes. Mais le stade n’était rempli qu’aux deux tiers, malgré la présence du ténor italien Andrea Boccelli et un spectacle de claquettes irlandaises du groupe Riverdance.

Il célèbrera dimanche la messe de clôture de l’événement au parc Phoenix de Dublin, avec potentiellement un demi-million de fidèles.

En marge de la visite du souverain pontife, plusieurs contre-manifestations ont été planifiées. Des milliers d’internautes irlandais ont appelé sur Facebook à « dire non au pape » en boycottant la messe de Phoenix Park.

A Thuam, dans l’ouest du pays, une veillée aura lieu en mémoire des 796 bébés décédés, entre 1925 et 1961, dans l’ancien foyer catholique des sœurs du Bon Secours et qui avaient été enterrés dans une fosse commune.

afp

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *