Cours en chute libre, baisse du nombre d’utilisateurs… Faut-il s’inquiéter pour Facebook et Twitter ?

Mark Zuckerberg  © Malick MBOW
Mark Zuckerberg © Malick MBOW

En quelques heures, Facebook est passé, mercredi 25 juillet, d’une valorisation de 539 milliards d’euros à 437 milliards d’euros. Une dégringolade qui montre l’inquiétude des marchés mais qui ne signe pas forcément le déclin de ces géants du web.

Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, le 1er mai 2018 lors de la conférence annuelle organisée par le réseau social à l’attention des développeurs, à San Jose (Californie). (MAXPPP)

Vincent Matalon France Télévisions

le 01/08/2018 |

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Facebook n’avait encore jamais connu une telle dégringolade depuis son introduction en Bourse, en 2012. Mercredi 25 juillet, son action cotée sur le Nasdaq a perdu près de 20% de sa valeur, pour atteindre 176 dollars l’unité (environ 150 euros). Les chiffres donnent le vertige : en quelques heures, l’entreprise est passée d’une valorisation de 630 milliards de dollars (539 milliards d’euros) à 510 milliards (437 milliards d’euros). Actionnaire principal et fondateur du réseau social, Mark Zuckerberg a vu sa fortune fondre de quelque 16 milliards de dollars sur le papier.

Du côté de Twitter, la situation n’est guère plus réjouissante. Vendredi, le cours de l’action cotée au New York Stock Exchange s’est écroulée de plus de 20%, soit « la plus grande chute journalière depuis plus de quatre ans », rapporte le Wall Street Journal (en anglais).

Faut-il pour autant s’inquiéter pour l’avenir de ces deux géants de la Silicon Valley ? Réponse en cinq points.

Oui, les deux services ont perdu plusieurs millions d’abonnés

Ces deux dégringolades en bourses ne sont pas intervenues n’importe quand. Facebook a en effet publié mercredi ses résultats trimestriels et Twitter a fait de même vendredi. Dans les deux cas, les investisseurs ont surtout été affolés par la baisse du nombre d’utilisateurs actifs.

Du côté de Facebook, on a déploré la perte de trois millions d’usagers quotidiens en Europe entre la fin du premier et du deuxième trimestre de l’année, pour s’établir à 279 millions de membres. Un coup dur dans ce continent au marché publicitaire lucratif, attribué par les équipes de Mark Zuckerberg à l’entrée en vigueur à la fin mai du règlement européen sur la protection des données (RGPD). De quoi ébranler la confiance des investisseurs, qui s’attendaient selon le Wall Street Journal (article payant) à un impact minime, sinon nul, de cette nouvelle législation sur les résultats financiers de Facebook.

Même topo du côté de Twitter. De 336 millions d’utilisateurs actifs chaque mois mesurés à la fin du premier trimestre 2018, le réseau social a annoncé vendredi dénombrer 335 millions de membres fin juin. Un nombre bien éloigné des 338,5 millions attendus initialement, rapporte Le Figaro.

Les revenus ne sont pas aussi bons qu’attendu

Si, chez Twitter, on affiche fièrement un troisième trimestre consécutif de bénéfices, du côté de Facebook, le discours est moins enthousiaste. Le directeur financier du géant numérique a annoncé aux actionnaires que le ralentissement des bénéfices engrangés par la publicité en Europe allait sans doute se poursuivre durant les deux prochains trimestres.

Une prédiction due non seulement à l’application du RGPD, qui permet aux utilisateurs de limiter le ciblage publicitaire, mais aussi à cause des déceptions autour d’une fonctionnalité sur laquelle l’entreprise misait beaucoup : les publicités affichées dans les stories Instagram, le célèbre réseau social de partage de photos racheté en 2012 par Facebook pour un milliard de dollars.

Lors de la conférence annuelle F8, début mai, les dirigeants de Facebook n’étaient pas peu fiers d’annoncer que 300 millions d’utilisateurs d’Instagram parcouraient quotidiennement ces vidéos éphémères publiées par leurs contacts. Temps d’affichage supérieur, vidéos en plein écran et son activé par défaut : le marché publicitaire qui s’ouvrait avec cette technologie était alors promis à supplanter celui des promotions classiques, qui s’affichent dans le flux des nouvelles publications des amis des utilisateurs.

Las : Facebook a annoncé jeudi que les publicités classiques diffusées sur le réseau social continuaient à générer l’essentiel de ses revenus. « Concrètement, les patrons de Facebook annoncent que les gens passent de plus en plus de temps à utiliser les stories sur Instagram, une fonctionnalité moins rentable », analyse le Wall Street Journal (article payant). Le journal rapporte que la directrice des opérations du réseau social a indiqué « ne pas savoir » si les stories peuvent finalement rapporter autant d’argent que la publicité classique.

Leurs dépenses sont en forte hausse…

Les actionnaires des deux géants de la Silicon Valley n’ont pas non plus apprécié apprendre que les dépenses des deux entreprises avaient sensiblement augmenté. Les équipes de Twitter ont ainsi annoncé que les coûts « liés à la programmation vidéo et à l’analyse automatisée des données des utilisateurs » avaient contribué à porter le niveau de dépenses à 631 millions de dollars (537 millions d’euros) sur le trimestre, soit une hausse de 10% sur un an, relève Le Figaro.

Le directeur financier de Facebook a de son côté annoncé aux propriétaires d’actions que l’entreprise effectuait des « investissements de long terme significatifs » en matière de sécurité. Ces dépenses devraient augmenter de 50% dans les prochains mois et continuer à croître plus rapidement que les revenus de l’entreprise en 2019, selon le Guardian (article en anglais).

Ces investissements se chiffrent en milliards de dollars par an et auront un impact négatif sur nos marges.David Wehner, directeur financier de Facebooklors d’une conférence téléphonique réservée aux actionnaires

… mais ces dépenses visent à prévenir de prochaines crises

Synonymes de marges réduites, les investissements en hausse des deux mastodontes de la Silicon Valley sont destinés à se protéger de potentielles crises, qui pourraient sérieusement compromettre leur santé économique à long terme.

Entendu en avril par le Congrès américain après le scandale Cambridge Analytica, au cours duquel les données de 87 millions d’utilisateurs de Facebook ont été exploitées à leur insu à des fins électorales, Mark Zuckerberg y a annoncé avoir recruté 5 000 personnes depuis le début de l’année pour sécuriser sa plateforme. D’ici à la fin décembre, ce sont au total 10 000 personnes qui devraient renforcer les équipes de modération et de cybersécurité, note CNet.

Également invité à prendre des mesures pour empêcher la prolifération de faux comptes, de robots, d’utilisateurs dont l’identité n’est pas vérifiée et autres cyber-harceleurs, Twitter a entamé un vaste nettoyage de printemps dans ses bases de données. Ce qui a en partie contribué à la baisse du nombre d’utilisateurs et a précipité l’inquiétude des actionnaires. Une politique assumée par le réseau social dans un communiqué (PDF en anglais) adressé à ses investisseurs en marge de la publication de ses résultats trimestriels.

Nous sommes certains que c’est dans l’intérêt à long terme de la plateforme et qu’en améliorant la qualité des conversations publiques sur Twitter, nous créons les conditions d’une croissance durable pour l’entreprise.Twitterdans un communiqué aux actionnaires

Le New York Times a imaginé un scénario pour comprendre la stratégie des deux entreprises. Le journal invente qu’en décembre prochain des preuves pourraient s’accumuler autour « d’entités soutenues par la Russie qui se seraient démenées sur Facebook et Twitter pour influer sur les élections de mi-mandats » de novembre. « Les utilisateurs s’enfuient, les parlementaires débattent d’une législation stricte pour réguler ce que ces deux entreprises peuvent faire ou non. Les cours de Twitter et Facebook sont en chute libre. Aujourd’hui, ces deux entreprises dépensent des sommes importantes pour empêcher que tout cela arrive. Mais, signe sans doute d’une certaine myopie de Wall Street, les investisseurs les punissent pour cela », analyse le quotidien.

Pour le New York Times, les dirigeants des deux plateformes « semblent comprendre que s’ils ne souhaitent pas être sanctionnées par le gouvernement américain, ces entreprises doivent montrer qu’elles sont capables de se réguler seules »« Les prochains mois devraient nous éclairer sur leur capacité à le faire », conclut le journal.

Et leur croissance reste très élevée

Pour nombre d’observateurs, cette dégringolade en Bourse s’explique ainsi par une réaction disproportionnée des investisseurs. « En général, cela prend un certain temps de passer d’une hyper-croissance à une simple croissance. Dans [le cas de Facebook], la transition entre les deux a été abrupte. C’est pour cela que nous assistons à une réaction excessive des marchés », analyse pour le Guardian (en anglais) Gene Munster, du cabinet d’investissement Loup Ventures.

Même si les résultats espérés par Wall Street n’ont pas été atteints, Facebook a tout de même affiché un chiffre d’affaires de 13,23 milliards de dollars sur les seuls mois d’avril, mai et juin. Soit une augmentation de 42% sur un an. Le bénéfice net du réseau social a de son côté fait un bond de 31% en un an, pour s’établir à 5,1 milliards de dollars. Pas exactement l’idée que l’on se fait d’une entreprise en crise, comme le note Siva Vaidhyanathan, professeur d’études médiatiques de l’université de Virginie.

Je peux vous garantir que chez Facebook, personne ne panique (…) ou ne réclame le départ de Mark Zuckerberg. Au contraire, les investisseurs institutionnels se préparent à faire des affaires en achetant des actions.Siva Vaidhyanathandans une tribune publiée par le « Guardian »

Du côté de Twitter, on peut se targuer d’un chiffre d’affaires trimestriel bien supérieur aux attentes avec 711 millions de dollars réalisés sur l’année, une hausse de 24%. L’écrasante majorité de ces revenus (601 millions) proviennent de la publicité et ont été dopés par la Coupe du monde de football, « dont les effets devraient continuer à se faire sentir au prochain trimestre », prévoient Les Echos. Le quotidien économique souligne que le réseau social « ne s’est jamais aussi bien porté financièrement », et relève que le bénéfice net de 100 millions de dollars affiché ce trimestre est le « plus important jamais publié » en douze années d’existence.

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