« Le concours d’architecture améliore la qualité », H. Schwoerer (Paris Habitat)

Hélène Schwoerer, Paris Habitat
Hélène Schwoerer, Paris Habitat © Paris Habitat

ENTRETIEN. Pour Hélène Schwoerer, directrice générale adjointe de la maîtrise d’ouvrage de Paris Habitat, le concours d’architecture est la méthode toute désignée pour améliorer la qualité des logements et limiter leur coût de revient. Elle explique pourquoi sur Batiactu.

Le Gouvernement ferait-il fausse route en souhaitant, dans le projet de loi Elan, retirer l’obligation de concours d’architecture pour les organismes de logement social ? Quoi qu’il en soit, pour Hélène Schwoerer, directrice générale adjointe de la maîtrise d’ouvrage de Paris Habitat, la méthode de la mise en concurrence est celle qui assure un maximum de qualité dans les constructions.

Batiactu : Pour Paris Habitat, quels sont les avantages d’avoir recours au concours d’architecture ?

Hélène Schwoerer : Le principe de mise en concurrence permet toujours d’améliorer la qualité. Nous employons bien cette méthode avec les entreprises, et pouvons constater un progrès sur de nombreux critères comme la gestion des déchets ou les heures d’insertion. Par ailleurs, chez Paris Habitat, nous sommes très engagés sur l’idée de coût global des opérations. Nous ne réalisons pas un investissement à un instant ‘t’, mais sommes garants d’un immeuble sur toute sa durée de vie. Bien sûr, nous devons maîtriser les coûts de construction. Mais aussi penser aux coûts d’exploitation. Et si le bâtiment n’est pas durable, si je dois changer régulièrement le carrelage des salles de bains, si je dois détruire un immeuble obsolète ou en réhabiliter un autre, je suis perdant. Ce souci du coût global est d’autant plus important qu’il s’agit des deniers des Français. Pour remplir cet objectif, nous avons besoin des entreprises et des architectes. Cette durabilité, ce sont eux qui nous l’apportent.

Batiactu : De quelle manière les architectes vous aident à maintenir cet objectif de qualité ?

Hélène Schwoerer : C’est en échangeant avec plusieurs partenaires, dont des architectes, que nous pouvons faire évoluer les pratiques. Cela nous permet de nous remettre en question, de ne pas avoir trop le ‘nez dans le guidon’. Dans un souci de qualité d’usage, d’empreinte carbone, de coût de revient, le concours d’architecture est un outil qui amène de l’innovation. D’ailleurs, nous voyons bien que dans le cadre d’opérations telles que Réinventer Paris, les promoteurs voient eux aussi en quoi ils gagnent à faire appel à des architectes.

Batiactu : Le concours n’est-elle pas une démarche trop chronophage, comme l’avance notamment l’Union sociale pour l’habitat (USH) ?

Hélène Schwoerer : Non, on ne perd pas de temps. Ce dispositif permet au contraire de bien réfléchir en amont à ce que l’on désire. Il s’agit de se poser les bonnes questions pour les bons projets, avec l’ensemble des partenaires autour de la table : riverains, locataires, maires, collectivités, direction de l’urbanisme… Le lauréat finalement élu l’est souvent à l’unanimité. Ce qui fait que nous n’avons pas de concertations à organiser dans un deuxième temps pour convaincre tout le monde et obtenir le permis de construire.

Batiactu : Continuerez-vous à avoir recours au concours, même si vous n’y êtes plus obligés ?

Hélène Schwoerer : Bien sûr, nous continuerons à ouvrir la commande, notamment pour permettre à de jeunes architectes de pouvoir y accéder. La mise en concours permet de découvrir des équipes d’horizons différents, et il est toujours intéressant d’étudier les projets proposés. Je rappelle par ailleurs que ce qui a marqué l’architecture, ces dernières années, ce sont notamment les projets de bailleurs sociaux. C’est notamment ce qu’a rappelé Robert Lion, ancien directeur général de la Caisse des Dépôts, dans une récente tribune publiée sur Libération dans laquelle je me retrouve (1) : « Les organismes de HLM, soutenus par l’USH, leur union nationale, sont souvent les créateurs courageux des plus belles architectures contemporaines » [voir encadré ci-dessous].

Projet de loi Elan : « La contre-performance est au coin de la rue »

Dans une tribune publiée le 3 avril sur Libération, Robert Lion, ancien directeur général de la Caisse des Dépôts et ancien délégué général du Mouvement HLM, exprime ses doutes sur le projet de loi Elan. « Vous voulez en finir avec les concours ? Rétrécir le champ de la grande loi architecture de 1977 ? Dégager les constructeurs sociaux de la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique ? Lancer une nouvelle vague de projets d’aménagement sans architecte où le promoteur, dont on sait le cousinage avec les entreprises de bâtiment, n’a pas de contradicteur le jour où, sous le diktat du profit, il décide de sacrifier, par petits morceaux, la qualité? Ce serait une série d’erreurs », peut-on notamment y lire. « La contre-performance est au coin de la rue : en proclamant qu’il faut «construire moins cher», on pourrait retomber dans les erreurs des années 50 et 60. Nul ne sait plus ce qu’ont été le Plan Courant, le Secteur industrialisé, les chalandonnettes et autres programmes à prix cassés – sauf si l’on est de ces millions de locataires ou copropriétaires qui ont souffert dans leur dignité, ou souffrent encore, de vivre dans un habitat neuf au rabais. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la recherche du moindre prix a conduit en France à deux lourdes erreurs. D’abord la localisation des logements : la pression sur les coûts du foncier a déporté près d’un million de HLM ou autres logements vers les «champs de betteraves, là où les terrains se vendaient à l’hectare plutôt qu’aux mètres carrés. Résultat, dans la durée : une tare au flanc de nos villes, qui n’a pas fini de fracturer la société. Ensuite une grande négligence sur le coût global du logement, vu dans la durée : de tout temps, et ce n’est pas passé de mode, on a déshabillé les projets pour sortir un prix de vente ou un loyer de départ plus accessible, laissant l’occupant face à des équipements à obsolescence rapide et à des performances thermiques médiocres, c’est-à-dire à des coûts d’usage excessifs. Un logement social de mauvaise qualité, en termes techniques ou de situation, n’est pas social. »

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