Révélations sur une « Opération spéciale » : comment l’Armée française a fait tomber Laurent Gbagbo

Laurent-GBagbo © Malick MBOW
Laurent-GBagbo © Malick MBOW

Une série documentaire, diffusée récemment sur Planète +, et intitulée « Opérations spéciales » suivie pour vous par Dakaractu, a livré des archives jusque-là inédites, qui reviennent sur les trois opérations militaires les plus dangereuses menées ces dernières années par le COS (Commandement des Opérations Spéciales). La pièce de la trilogie qui nous intéresse montre comment les combats ayant opposé, dès le mercredi 6 avril 2011, l’Armée française au dernier carré de fidèles de Gbagbo, à l’ambassade du Japon, ont sonné le déclic avant la prise de la résidence à Cocody de l’ex-chef d’Etat ivoirien, alors que les forces pro-Ouattara avaient échoué à déboulonner le leader du Fpi.

 

 

Le 6 avril 2011, après que les forces proches de Alassane Ouattara ont échoué à prendre d’assaut la résidence de Cocody dans laquelle s’est bunkerisé Laurent Gbagbo, un groupement des forces spéciales françaises de l’Opération Licorne (déployée en Côte d’Ivoire depuis septembre 2002), tente de libérer des diplomates encerclés par des « miliciens » à la solde du président de la République sortant. Il s’agissait principalement de l’ambassadeur du Japon en Côte d’Ivoire.

Ce jour-là, Yoshifumi Okamura remarque la présence de quelques mercenaires autour du portail d’entrée. Le nombre de « miliciens », sur ces entrefaites, s’agrandit. Dix « miliciens », à peu près, entrent dans la propriété et tuent quelques employés. Le diplomate observe tout à partir de la vidéosurveillance, qui ne tardera pas à être détruite.

Les « mercenaires » pro-Gbagbo avaient installé des armes lourdes sur les toits, pour semer la peur dans les parages. Avec ses collaborateurs, l’ambassadeur Okamura se réfugie dans la pièce sécurisée (panic room dans le jargon). Il appelle au secours son homologue de France M. Jean Marc Simon. Ce dernier joint les forces spéciales pour aller le secourir, alors que le Premier ministre japonais a appelé les autorités de Paris pour une aide d’urgence. L’ONU est vite câblée.

Les blindés des forces pro-Gbagbo sont détruits par l’Armée de l’Air française. Trois hélicoptères débarquent avec 38 commandos français à bord qui descendent, en ninjas, le long d’une corde.

Ils découvrent que la maison est pillée par les « mercenaires » qui ont pris la fuite avant leur arrivée. C’est ainsi que les forces spéciales rencontrent l’ambassadeur dans l’obscurité totale. Les « otages » sont exfiltrés et acheminés au camp militaire français de Port-Bouët, après 18 H d’enfermement.

Les victorieux devront avoir le triomphe modeste, puisque l’euphorie fera long feu.

Deux jours plus tard, Cocody est le théâtre de combats acharnés. Un chargé d’affaires anglais et deux de ses collaborateurs sont encerclés. Une nouvelle intervention française est d’autant plus périlleuse que les forces pro-Gbago ont eu des renforts entre temps. De plus, en stratégie militaire, on recommande de ne pas faire la même mission deux fois. L’armée française étudie la meilleure option et passe à l’attaque, selon le mode opératoire par lequel l’ambassadeur japonais a été extrait. Malgré leurs appréhensions, 7 hélicoptères sont engagés par les forces qui savent qu’elles sont attendues de pied ferme et que l’opération ne bénéficiera pas de la longueur d’avance que confère « l’effet surprise ». Un hélicoptère prend feu et rebrousse chemin pour rejoindre le camp de Port-Bouët. Les troupes au sol se sauvent sous les tirs de roquettes et de coups de canon. Les commandos, qui n’arrivent pas à accéder à l’ambassade britannique, renoncent à déposer les deux autres hélicos de transport. Les soldats de Gbagbo ont le vent en poupe. Le commandant français décide de l’arrêt de la mission compte tenu des risques. Les appareils, de la base, redécollent pour récupérer les commandos au sol qui se réfugient dans un fossé. La puissance de feu des « mercenaires » détruit deux hélicos, les obligeant à l’atterrissage forcé au Golf Hôtel, où s’était bunkerisé Alassane Ouattara. Un autre appareil est endommagé après avoir heurté un mur. Un quatrième hélicoptère sera touché. C’est le sauve-qui-peut côté français, même si aucun mort n’est enregistré.

Cependant, les dégâts causés ont eu un négatif sur les troupes gbagbistes. Le lendemain, un convoi de l’ONU évacue le diplomate britannique. Mais la tranquillité avec laquelle les forces onusiennes s’acquittent de cette tâche montre aux Français que les « miliciens » pro-Gbagbo ont abdiqué.  « Les combats étaient tellement difficiles, tellement importants, pendant plus d’une heure que tous ces miliciens ont quitté leurs positions parce qu’ils étaient intimement persuadés que nous allions aborder la résidence du président Gbagbo », se souvient le général Jean-Pierre Palasset, commandant de l’opération Licorne. « Dès le lendemain, le secteur est vidé… Finalement l’effet est obtenu. C’est un demi-échec ou une demi-victoire », se réjouit un autre soldat français.

48 heures après, les Forces nouvelles proches de Ouattara et de Guillaume Soro arrêtent le chef d’Etat sortant.

En définitive, le sort de Laurent Gbagbo aurait été autre sans cette intervention de l’Armée française qui n’a pas mené un combat de ce type, durant ces dernières années, en dehors de l’Opération HK35 – Afghanistan et l’Opération Carré d’as – Golfe d’Aden (les deux autres pièces de la série).

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