Corruption – Les recommandations pour sortir le Sénégal de la zone rouge

 

  • Anonymous - © Malick MBOW
    Anonymous – © Malick MBOW

    Le 24 février, 2018 Son but est de sensibiliser l’opinion publique sur l’état de la corruption et de susciter la volonté politique des gouvernements à lutter effectivement contre le phénomène. L’Indice de perception de la corruption (Ipc), un indice composite, est utilisé pour mesurer la perception de la grande  corruption dans le secteur public et la classe politique dans différents pays du monde. Pour le cas du Sénégal, son score n’a pas évolué par rapport à l’année 2016 et n’a connu qu’une augmentation de 3 points de 2013-2017 (41, 43, 44, 45), relève un document du Forum civil sur l’indice de la perception de la corruption dans le monde, en Afrique et au Sénégal en particulier.

Le Sénégal dans la zone rouge depuis 2013
Au lendemain de l’accession au pouvoir du président Macky Sall en 2012, le Sénégal avait entamé une séries de réformes allant dans le sens d’une bonne gouvernance, avec la mise en place de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), avec la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), entre autres organes de contrôle de l’Etat, ce qui avait valu au Sénégal une progression continue dans le score de l’IPC d’alors. Mais le pays de la téranga, après ce bond en avant, a régressé après 2013. Il se trouve toujours dans la zone rouge marquée par la forte corruption, même si son score est légèrement supérieur à la moyenne mondiale qui est de 43,07/100 et beaucoup plus à celle africaine qui est de 32,02/100, souligne le document dont Seneweb a reçu copie.

Il faut rappeler qu’au cours de 4 dernières années, le Sénégal était classé 77e sur 115 pays en 2013 avec un score de 41/100 ; 69e sur 174 en 2014 avec un score de 43/100 ; 61e sur 168 avec un score de 44/100 ; et enfin 64e sur 176 en 2016 avec un score de 45/100 selon le classement au niveau mondial. Une situation qui n’est guère plus reluisante au niveau africain, où le Sénégal est 11e sur 48 en 2013 avec un score de 41/100 ; 10e sur 47 en 2014 avec un score de 43/100 ; 8e sur 46 en 2015 avec un score de 44/100 et enfin 7e sur 51 en 2016 avec un score de 45/100.

Pour l’Afrique, 49 pays ont été classés avec en peloton de tête le Botswana avec 61/100. Il occupe la trente quatrième place (34ème) au niveau mondial, suivi des Seychelles (60/100), du Cap Vert et du Rwanda (55/100), de la Namibie (51/100) et de l’Ile Maurice (50/100). Ils sont d’ailleurs les seuls pays africains qui sont hors de la zone rouge, c’est-à-dire au-delà de 50/100. Tous les autres 43 pays ont moins de 50/100 et seuls huit (8) pays sont au-dessus de la moyenne mondiale qui est de 43,07/100.

Au niveau communautaire, le Cap Vert occupe la première place du classement des 15 pays de la Cedeao, avec un score de 55/100, suivi du Sénégal (45/100). Tandis que le Sénégal devance les pays de l’Uemoa, suivi du Burkina Faso (42/100).

Plus de 118,44 milliards en pots-de-vin versés au Sénégal en 2016
Le Sénégal qui fait partie des 10 pays africains restés au statut quo, caracole à la 66ème place au niveau mondial et 8ème au niveau Africain avec un score de 45/100. Il faut noter que le classement n’est pas l’élément significatif dans l’IPC, c’est plutôt le score qui renseigne sur l’évolution de la corruption dans un pays, précise le document.

Autant d’éléments qui interpellent et suscitent des recommandations du Forum civil pour juguler le mal que constitue la corruption, un mauvais signal pour l’économie du pays.

Des résultats scientifiques ont montré que la constance de l’Indice de Perception de la Corruption peut être synonyme de perte de points de croissance. Il s’y ajoute que dans le rapport de l’étude sur la perception de la corruption réalisé en 2016 par l’Ofnac, qui révèle que le montant total des pots-de-vin versés au Sénégal, durant les 12 mois qui ont précédé cette étude, s’élèvent à plus de 118,44 milliards. Ce qui constitue un manque à gagner énorme pour l’économie du pays, car la corruption sape, par le détournement d’une partie des ressources destinées aux investissements, la qualité des politiques économiques et l’efficacité de l’action publique, ce qui se traduit par une perte d’investissement, alerte le Forum civil.

Ces impératifs pour sortir le Sénégal de la zone rouge
Il urge donc, préconise ce démembrement de Transparency international, de mettre en place une équipe indépendante pour une évaluation de la gouvernance sobre et vertueuse prônée par les autorités publiques en 2012. Cette équipe pourrait être composée de la société civile, des universitaires, de journalistes d’investigation, de l’Ofnac, etc.

Il s’agira également de renforcer les dynamiques de réformes judiciaires en soutenant l’intégrité et l’indépendance du système judiciaire ; la formation des juges dans la lutte contre la corruption doit aussi être soutenue ; et diversifier les équipes de l’Ofnac composées à majorité de fonctionnaires alors que les résultats de leur étude sur la perception de la corruption, démontrent que 71,7% des cas de corruption sont imputables aux démembrements de l’Etat. Pour garantir l’efficacité de leurs missions, cette équipe doit avoir en son sein des profils divers notamment, des banquiers, des fiscalistes, des universitaires, des journalistes d’investigations etc, préconise le Forum.

L’administration, un terreau de la corruption
Le Forum civil recommande également de réinterroger la pertinence de l’ancrage institutionnel de l’Ofnac dans le champ de la présidence au regard des interactions entre la politique et la corruption ; et enfin, de fournir toutes les informations nécessaires relatives au recouvrement de l’argent de la traque des biens mal acquis par l’Agent judiciaire de l’Etat ;  renforcer les moyens de la presse en matière d’investigation ; et instaurer un prix d’intégrité pour les agents de l’administration.

Sollicité par Seneweb, Abdou Aziz Diop, coordonnateur du Forum civil à Thiès, tranche. Lutter de manière efficace contre la corruption, selon lui, revient à laisser « la justice faire son travail pour les personnes et structures épinglées par les rapports de l’Ofnac, de l’Ige, de la Cour des comptes et de la Centif pour différentes causes: corruption, concussion, détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux… . Aussi, que les Crg (Cellules régionales de gouvernance) mises en place par le nouveau régime à travers le ministère de la Promotion de la bonne gouvernance soient redynamisées car pouvant être des antennes régionales de l’Ofnac au niveau régional.

Ces Crg, rappelle-t-il, avaient pour vocation de promouvoir la bonne gouvernance au niveau local et de lutter contre la corruption et dans sa composition et tous les acteurs y étaient représentés (État, élus locaux, société civile, secteur privé). Malheureusement, déplore Abdou Aziz Diop, il s’agit de Crg mort-nées car après l’installation officielle après désignation des membres ciblés et identifiés, ces cellules n’ont jamais fonctionné ».

 

Auteur: Momar Mbaye – Seneweb.com