Mamadou Cissé, veilleur de nuit et artiste peintre aux feutres d’or

 

Mamadou Cissé © Malick MBOW
Mamadou Cissé © Malick MBOW
Mamadou Cissé ART© Malick MBOW
Mamadou Cissé ART© Malick MBOW

30 juin 2012

Par AFP

 

 

Enfant, Mamadou Cissé griffonnait sur des boîtes en carton, en Casamance, au Sénégal. 50 ans plus tard, à Paris, son art explose au feutre, au coeur de villes imaginaires, graphiques et colorées qui peuplent ses longues heures de veilleur de nuit.

« Au départ, je dessinais pour ne pas dormir, après avoir essayé la lecture et les mots croisés. C’est devenu si présent que je ne peux plus m’en passer », explique-t-il, le regard doux, cerclé de lunettes à la fine monture, encore émerveillé par les oeuvres exposées aux côtés des siennes à la Fondation Cartier à Paris.

A 52 ans, ce père de famille né à Baghagha, près de Ziginchor, et qui vit en France depuis ses 18 ans, fait partie de la cinquantaine d’artistes contemporains, dont des Indiens Guarani et Yanomami, du Brésil, exposés jusqu’au 21 octobre dans le cadre d’ »Histoires de voir », une exposition radicalement différente d’art contemporain dans un rapport individuel hypersensible à l’universel et à la nature.

C’est en s’inspirant d’une carte postale du pont de Normandie, puis de ses « voyages en Europe », que Mamadou Cissé a développé sa vision des villes et des monuments, « en mouvement, qui montent vers le ciel pour laisser de la place à la terre en bas, qui ont de l’eau, de la couleur, de l’énergie », dit-il, tout sourire, en remontant sa casquette.

« Laisser de la place à la terre au sol, car si on continue comme cela, surtout quand on sera neuf milliards, demain Paris sera à Bruxelles ! », ajoute-t-il.

– Mandalas –

Savants quadrillages d’immeubles vus du ciel et inspirés des villes américaines, perspectives imprenables élargies en étoiles partant d’un arc de triomphe central, cités aux mille visages dans lesquelles se cachent autant de symboles, les tableaux de Mamadou Cissé ressemblent aux mégapoles actuelles transfigurées et ensoleillées par un as de la couleur.

« Je commence souvent chez moi par ce que j’appelle le +grillage+, l’ébauche de la structure, puis je m’amuse avec le relief, partant de monuments anciens qui symbolisent la ville et leur ajoutant des immeubles modernes, des ponts, des axes routiers. Après j’habille à ma façon », dit celui qui fut tour à tour boulanger, couturier, restaurateur de meubles et qui travaille aujourd’hui comme agent de sécurité et gardien, la nuit, dans un vaste entrepôt de logistique à Fresnes (Val-de-Marne).

Ses villes, dont certaines font penser à des mandalas – supports graphiques et sphériques colorés servant à la méditation – sont toujours réalisées aux feutres multicolores.

« Si on n’avait pas ces couleurs en Afrique je ne sais pas comment on serait. Je parle de la couleur des tissus, des maisons, tout se marie. Pourquoi resterait-on toujours dans des standards, dans des villes uniformément grises où on se fait la gueule ? », interroge l’artiste qui rêve « d’un monde meilleur et d’un urbanisme mieux pensé où les gens seraient mieux logés ».

C’est en rencontrant le directeur de la maison d’art contemporain Chailloux de Fresnes que Mamadou Cissé s’est fait « repéré ».

Il rêvait de « faire l’école Boule », la chance lui a souri en allant voir des expositions. « Un jour j’ai rencontré le directeur, Maurice Lubac, et je lui ai dit, +tu sais, je dessine+. . . Tout a commencé ainsi. Ma première exposition a eu lieu en 2007. Je n’en reviens toujours pas ».

« C’est un rêve pour moi d’être exposé ici avec ces artistes magnifiques (Inde, Brésil, Haïti, Nouveau Mexique. . . ). Je suis le seul sur place (à Paris) en ce moment alors je me dois d’être là aussi pour eux ».

 CISSÉ, Mamadou


1960

Né en 1960 à Baghagha, Sénégal Vit et travaille à Fresnes.
Mamadou Cissé est arrivé en France en 1978.

Autodidacte, il a toujours pratiqué le dessin. Depuis 2001, il a entrepris un cycle autour du thème de la ville. Sous son trait, naissent des ensembles urbains, vus du “ciel“, articulés autour d’axes de circulation dans un savant jeu de perspectives. Ses mégalopoles imaginées se font le reflet de projets architecturaux utopistes. La ville est au centre de ses préoccupations et l’architecture une passion. Les grands ensembles sont pour lui un lieu d’émerveillement. Fresnois, il ne se lasse pas de son environnement urbanisé, de cette concentration tant décriée par d’autres. Parmi ses lieux de prédilection, il aime à citer la Défense ou encore des ouvrages d’art comme le pont de Millau. Ses yeux s’élèvent vers les hauteurs, vers ces espaces que l’homme conquière peu à peu. Derrière cette fascination pour les lieux construits, se dissimule une foi dans le progrès. Mamadou Cissé croit en un futur meilleur aux conditions de vie plus agréables. Ses dessins exécutés au moyen de stylos et de feutres sont les manifestes de villes rêvées. L’incroyable densité de ses environnements urbains traduit son désir de logement pour tous. La couleur y tient une place de premier ordre. Cet artiste-urbaniste utopiste imagine des environnements architecturaux aux murs colorés afin d’apporter joie et gaieté aux habitants. Il construit ses villes à partir de différentes sources : livres, photographies et voyages. Le point de départ d’un dessin peut être un bâtiment-phare d’une ville autour duquel se déploient de nouvelles constructions imaginaires dans un réseau articulé de manière géométrique. La ligne verticale ou horizontale est prépondérante. La prolifération de certaines œuvres transforme parfois une ville en motif. Notre regard doit aller au-delà de ce foisonnement et pénétrer dans le réseau des rues afin de comprendre les principes d’organisation urbanistique qui régissent le travail de l’artiste. Exposés pour la première fois en 2007 à la Maison Chailloux à Fresnes, les dessins de Mamadou Cissé ont également été présentés en 2009 au salon du dessin contemporain. Cette exposition est organisée en collaboration avec l’Espace d’art contemporain Camille Lambert, Juvisy-sur-Orge et la Maison d’art contemporain Chailloux qui consacrent à Mamadou Cissé également une exposition personnelle.

Expositions

Expositions personnelles

2016
Mamadou Cissé – Galerie Bernard Jordan – Zürich
Mamadou Cissé – Bibliothèque Jacqueline de Romilly – Paris

2015
Ma Ville rêvée – Espaces Bastides – Valence-sur-Baïse

2013
Demain nos villes – Regard Sud galerie – Lyon

2011
Cabinet de dessins – Galerie Bernard Jordan – Zurich

2010
Drawing and Prints – Galerie Jordan/Seydoux – Berlin
Mamadou Cissé – Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris La Villette – Paris

Expositions collectives

2016
La Ville au loin (The City Faraway) – FRAC Centre – Orléans

2015
Mamadou Cissé, Patrick Gabler et Sharka Hyland – Galerie Bernard Jordan – Paris
Drawing Room 2015 – Le Panacée – Montpellier
Une Partie de campagne – Saint-Briac-sur-Mer

2013
7+1 – Galerie Bernard Jordan/Seydoux – Berlin
Generation i.2 – Ästhetik des Digitalen im 21. Jahrhundert – Edith-Ruß-Haus für Medienkunst – Oldenburg

2012
Histoires de voir – Fondation Cartier – Paris
In the City – Galerie Pierrick Touchefeu – Sceaux
Dak’art 10e Biennale de l’art africain contemporain – Dakar
Rêvons la ville – Musée de la Ville de Saint Quentin en Yvelines – Paris

2011
Crosswords – Galerie Jordan/Seydoux – Berlin
Sommer Hängung: Gruppenausstellung – Zeichnungen und Editionen – Galerie Bernard Jordan/Seydoux – Berlin
Paysage mental, de dessin sans dessein – MUba Eugène Leroy – Tourcoing
A Venir en ville – Fondation Blachère – Apt

2010
Neue Städte – Galerie Jordan/Seydoux – Berlin
Les 20 ans de la Macc – La Maison d’art Contemporain Chaillioux – Fresnes

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