Seydou Guèye, ministre secrétaire général du Gouvernement : Le bourlingueur

 

  • Seydou Gueye© Malick MBOW
    Seydou Gueye© Malick MBOW

    Le 30 janvier, 2018 Seydou Guèye apparaît tel un paradoxe : la sociabilité qui gît en l’homme se retrouve très rarement chez un sachant de sa trempe, genre généralement réputé distant ou imbu de sa personne.

Intellectuel intégral doté d’une formation académique aussi solide que variée, ce presque sexagénaire définit « son engagement politique comme une obligation d’être toujours à côté des plus pauvres, des plus faibles et des plus précarisés depuis [sa] plus tendre enfance » débutée à la Rue 9×6 où il a vu le jour à l’aube de l’indépendance.

Un Médinois pure souche, très tôt piqué par le virus du foot ; une passion qu’il vit pleinement au sein de l’équipe navétane de son quartier, l’Asc Kussum, dont il deviendra joueur, vice-président et président. Auparavant, à quelques encablures de sa maison natale, à la frontière de la Médina et de Rebeuss, il se scolarisa à l’école primaire Clémenceau, aujourd’hui Ibrahima Diop, ensuite le lycée Blaise Diagne, enfin l’Université de Dakar d’où il sort avec une licence en Droit des affaires.

Déjà au lycée, en ces années 70, Seydou Guèye est politiquement engagé. Très à Gauche. Courant maoïste aux côtés de Mansour Elimane Kane, actuel ministre du Pétrole et des Energies, Mamadou Oumar Ndiaye, Directeur de publication du quotidien « Le Témoin », et autres Hawa Dia Thiam, ancien ministre et député. Une idéologie à laquelle il s’est très tôt dégagé en exprimant sa préférence pour le marxisme « du fait de la rigueur et de la pertinence de l’analyse sociale de cette idéologie : un matérialisme historique et dialectique, qui reste toujours d’actualité pour bien comprendre les questions économiques et sociales », argue-t-il.

Aujourd’hui encore, Seydou Guèye se dit être à l’aise dans cette pensée qu’il perçoit comme étant la social-démocratie ou le libéralisme social du Président Macky Sall où il retrouve les éléments structurant du rocardisme : « le penser clair, le parler vrai, l’agir concret ».

Rocard ! Le mot est lâché ! Il est peu probable d’appréhender Seydou Guèye dans sa plénitude et sa totalité sans jeter un faisceau de lumières sur son link avec le défunt Premier ministre français. Rétrospective.

Au milieu des années 80, le jeune médinois débarque à Paris, à l’Université Assas Panthéon Sorbonne d’où il sortira diplômé de l’Institut des hautes études internationales, non sans se signaler comme un meneur de grève, militant et syndicaliste dans le cadre de l’Union nationale des étudiants de France – Indépendante et démocratique (Unef-Id) composée de l’essentiel des courants de la Gauche, sauf ceux liés au Parti communiste français (Pcf). Là, avec des compagnons qui se révèleront de grandes figures politiques françaises – l’ancien Premier ministre Emmanuel Valls, l’ancien ministre Benoit Hamon –, il tape à l’œil de Michel Rocard qui l’adoube.

Militant de la Deuxième Gauche (Courant rocardien), Seydou Guèye est fait Délégué général des « Clubs Convaincre » fondés par l’éternel rival de François Mitterrand. « Les Clubs Convaincre » deviennent des usines où s’élaborent les positions du Courant rocardien dans la bataille des lignes qui fait rage au Ps. Et c’est lors d’une de ses rencontres qu’il fait, en 1998, une autre connaissance qui va déterminer la suite de son existence : Abdourahim Agne. L’alors cacique du Ps sénégalais est frappé et séduit par l’éloquence, la force argumentaire et l’attention dont jouit auprès des socialistes rocardiens ce frêle et pugnace débatteur. Il faudra plusieurs années à l’aîné pour convaincre le cadet de rentrer au bercail. Mais, Seydou Guèye n’en est pas encore là.

Pour le moment, c’est la cause de Michel Rocard qui l’engage. Un homme qu’il évoque encore avec beaucoup d’émotion : « Mon contact avec Michel Rocard permit la transformation de ma dimension protestataire vers l’engagement pour la citoyenneté active en prenant appui sur la création d’un courant de pensée qu’on a appelé la Gauche moderne et inventive. Une Gauche décomplexée qui a réglé son rapport avec le marché, une Gauche qui accepte la société de marché, mais travaille pour la transformation sociale. Il n’est plus question de révolution prolétarienne à l’avènement d’une société juste et solidaire par les ressorts d’une économie solidaire et de la réforme ».

Cependant, en dépit de son engagement, Seydou Guèye n’oublie pas le principal. Il enchaîne et décroche le diplôme de l’Ecole nationale d’assurances de Paris et un Dess en Sciences des organisations et de la production à l’Université d’Evry Val d’Essonne. Maintenant, le marché du travail l’attend. En moins de cinq ans, il passe par Eagle Star France, une société d’assurance, filiale de la British american tobacco, comme Assistant Marketing et Communication ; Macif, la première compagnie d’assurance auto et habitation de France, où il est Chef du Département Audit et Organisation ; Lda Consulting, un cabinet où il est fait Consultant Senior.

Mais, la déliquescence du Courant rocardien et le mal du pays finissent par avoir raison de Seydou Guèye qui se souvient de sa discussion engagée avec Abdourahim Agne, quelques années auparavant, notamment autour de la nécessité de « donner de l’actualité à la pensée de Gauche qui oblige de se convertir à la réforme ». Et pour réformer, pourquoi ne pas créer un Parti de la Réforme. Il en devient membre-fondateur en 2001 et Porte-parole cinq ans durant, avant le clash et la séparation, en 2008, avec Abdourahim Agne dont il a été, entretemps, Directeur de Cabinet au ministère de la Microfinance, de la Coopération décentralisée, de l’Aménagement du Territoire et du Commerce.

Il n’éprouvera que quelques mois d’une relative oisiveté qu’il met à profit pour s’adonner pleinement à ses passions : le foot, la musique et ses lectures préférées : Platon, Nietzsche, Socrate, Hannah Arendt, Etty Hilsum. Avant de faire la connaissance, le 14 mai 2008, grâce à l’entregent de Mahmoud Saleh, d’une autre figure politique marquante : Macky Sall.

En somme, dire de Seydou Guèye qu’il est un bourlingueur relève de l’euphémisme, mais « si à vingt ans on n’est pas marxiste, c’est qu’on est bête ; mais si au-delà de 40 ans on demeure marxiste, c’est parce qu’on est bête » disait feu Jonas Savimbi.

 

Auteur: Yakham C. N. Mbaye – Le Soleil

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