Le long parcours du berger au cœur de la République – Un « Kâ d’école » pour les hommes d’Etat

 

 

 

Djibo Leity KA - © Malick MBOW
Djibo Leity KA – © Malick MBOW

Un vrai signe du destin : Djibo Kâ tire sa révérence ce 14 septembre 2017 (un jour qui porte l’habit du deuil, puisque coïncidant avec l’anniversaire de la disparition de Mame Abdou Aziz Sy Dabakh) au moment où s’installe la 13e législature avec toute la solennité républicaine qui s’attache au contexte. Il était un si grand homme d’Etat que l’ancien secrétaire général de l’ONU Boutros Boutros-Ghali a voulu en faire son directeur de cabinet. Il doit sa réputation au fait d’être un politique aux âmes bien nées qui, au nadir de sa carrière, a géré des postes hautement sensibles sans la moindre erreur d’Etat.
Le film de sa vie emprunte son scénario aux péripéties de la scène politique du Sénégal contemporain. Il a, en effet, contemplé, pour la première fois, l’aube des temps en 1948, l’année de naissance du Bloc démocratique sénégalais (Bds), ancêtre, en ligne directe, du Parti socialiste. Figure de proue de la jeunesse estudiantine senghorienne des années 70, il devenait, fraichement sorti de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) en 1976, adjoint au gouverneur de la région de St-Louis. De sa station de directeur de cabinet du président de la République, où il a remplacé Moustapha Niasse en 1978, il a préparé administrativement et avec toute la discrétion requise, le départ du pouvoir de Léopold Sédar Senghor. Djibo Ka est devenu ministre de l’Information à 33 ans au lendemain de l’accession de Abdou Diouf au sommet de l’Etat. Il a ainsi traversé la République dans tous sens et a managé le ministère du Plan et de la Coopération. Quand il dirigeait le département de l’Education nationale, on sortait de l’Année blanche de 1988 et il avait aidé à désamorcer la bombe de la crise scolaire et universitaire. En tant que ministre des Affaires étrangères, il a magistralement coordonné les travaux pour la réussite du sommet de l’Organisation de la Conférence islamique qui a eu lieu à Dakar en 1991 et joué un rôle décisif pour le réchauffement des relations entre le Sénégal et la Mauritanie, après le conflit de 1989. L’enfant de Thiarny (Linguère) était le  ministre de l’Intérieur quand le Sénégal échappait en février 1994  au pire avec la manifestation, qui s’était soldée par la mort de six policiers, tenue par l’opposition de l’époque à Dakar.
Celui qui aimait se présenter comme un « socialiste de convictions et non de carrière » a été, contre toute attente, limogé du gouvernement de Habib Thiam en mars 1995, à la veille  du congrès, dit « sans débat », de 1996, dont il était le principal personnage pour avoir attaché le grelot avant tout le monde, relativement à la nécessaire « rénovation » du Ps à la fin de la Guerre froide et à l’heure du multipartisme intégral.
On peut dire que sans l’apport du fondateur de l’Union pour le renouveau démocratique (Urd), l’Alternance de l’an 2000 serait plus difficile à réaliser; puisque c’est lui qui a courageusement fait trembler l’ogre socialiste lors des législatives de 1998. C’est à cause de la fronde qu’il a animée, comme le signataire en chef du Manifeste des 19, que le Ps s’était retrouvé avec un score très faible au soir de ces élections, même si, par la suite, il soutiendra Abdou Diouf, par une de ses pirouettes dont seule la politique a le secret, au second tour.
Nommé ministre d’Etat dès 2004 par le Président Abdoulaye Wade, il dirigera tour à tour les ministères de l’Economie maritime et de l’Environnement sous le magistère du Pape du Sopi.
En 2009, suite au décès de l’épouse de Karim Wade, le chef de l’Etat de l’époque avait salué ses qualités civiles devant « toute la République », en disant qu’il était, avec Ousmane Tanor Dieng, de la race des hommes d’Etat hors pair.
Kâ est depuis 2015 à la tête de la Commission nationale du dialogue des territoires (Cndt) chargée d’assister le président de la République.
Dans une interview concédée au journal L’Observateur » le 24 février 2017, il a théorisé les retrouvailles de la « grande famille socialiste ».
« Je suis fier d’être membre du Ps de l’époque et j’ai espoir pour les perspectives à venir… Mon rêve, c’est que ce pays, demain, soit dirigé par les Socialistes. Sinon, ça ne marchera pas », avait-il souhaité. Est-ce une prémonition senghorienne d’outre-tombe ? Le temps le dira.

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