Elections au Kenya: émeutes dans certains quartiers acquis à Raila Odinga

Au Kenya, après l’annonce de la réélection du président

Uhuru-Kenyatta.© Malick MBOW
Uhuru-Kenyatta.© Malick MBOW

, vendredi 11 août, des violences ont éclaté et se déroulent toujours dans certains quartiers de Nairobi et de Kisumu favorables à Raila Odinga. Ce samedi 12 août, des responsables de la Nasa, la coalition d’opposition qui soutient le candidat malheureux à la présidentielle, affirment qu’une centaine de personnes ont été tuées par les forces de sécurité. Les opposants n’ont pas fourni de preuves à l’appui. Les bilans fournis, de source indépendante, font pour l’instant état d’une dizaine de morts confirmés. Selon les agences de presse, huit cadavres notamment ont été déposés à la morgue de Nairobi. On signale également un tué dans le comté de Kisumu, le fief de Raila Odinga, dans l’ouest du pays ainsi qu’un autre dans le comté voisin de Siaya.

La plupart des quartiers de Nairobi sont calmes ce samedi. Les rues sont moins animées que d’habitude mais il n’y a pas d’incidents notables à signaler. Par contre, dans les bidonvilles de la capitale, c’est une toute autre histoire.

A Kibera, par exemple, des émeutes sont en cours depuis ce samedi matin, du côté du site d’Olympic, là où l’opposant Raila Odinga a voté, mardi. C’est un de ses fiefs. Ses supporters crient « Pas de Raila, pas de paix » ou encore « Justice par le sang ».

« Le problème a commencé à la proclamation des résultats. Les gens ont commencé à être mécontents parce que Kibera est un bastion de Raïla Odinga. Il y a beaucoup d’ethnies qui vivent ensemble, ici, depuis si longtemps. Donc, après l’annonce, certains ont fêté et d’autres ont commencé à jeter des pierres sur la police et à brûler des pneus. Mais la police est venue et elle a contrôlé la situation », explique Félix Kembro, habitant de Kibera, au micro de RFI, avant d’énumérer quelques-unes des raisons de ces émeutes.

« Il y a une colère parce que les politiciens divisent la population, au niveau ethnique par exemple. Mais il ne faut pas oublier que Kibera est très pauvre. Les gens ont faim. Ils n’ont pas de travail et quand les problèmes sociaux sont importants, les gens peuvent être utilisés plus facilement. Kibera est une famille et nous prions pour la paix. Que Raïla Odinga accepte la défaite pour que la situation se calme. S’il le fait, les gens reprendront une vie normale », a-t-il ajouté.

A Kibera, les forces de police sont déployées en grand nombre et tentent de contenir les manifestants à l’intérieur du bidonville à l’aide de canons à eau, de gaz lacrymogènes mais aussi en tirant à balles réelles. Kibera est en partie bouclée. Des hélicoptères de la police survolent la zone et des leaders politiques de l’opposition ont annoncé qu’ils allaient se rendre sur place, ainsi qu’à Mathare, un autre bidonville de Nairobi, pour parler aux protestataires.

Une centaine de morts, selon l’opposition

Dans une conférence de presse, en milieu d’après-midi de ce samedi 12 août, des responsables de la Nasa affirment qu’une centaine de personnes ont été tuées par les forces de sécurité kényanes. Les opposants n’ont pas fourni de preuves à l’appui de leurs déclarations. Les bilans fournis, de source indépendante, font pour l’instant état d’une dizaine de morts confirmés.

Selon les agences de presse, huit cadavres notamment ont été déposés à la morgue de Nairobi. On signale également un tué dans le comté de Kisumu, le fief de Raila Odinga, dans l’ouest du pays ainsi qu’un autre dans le comté voisin de Siaya.

A la mi-journée, le ministre de l’Intérieur a fermement démenti que la police ait tiré sur des manifestants pacifiques. Par contre, Fred Matiangi a indiqué que les criminels qui se livraient aux pillages et aux destructions se verraient opposés à une force proportionnelle à leurs attaques. Il n’a donné aucun bilan.

Que compte faire Raila Odinga ?

Tout le monde attend que Raila Odinga parle. Tout le monde attend de savoir comment il va réagir à cette défaite et quelles consignes il va donner à ses supporters dont beaucoup sont prêts à le suivre. Il n’a pas parlé depuis presque 48 heures. Sa coalition avait fait une conférence de presse pour dire qu’elle avait découvert les véritables résultats et que le leader de la coalition était bien le vainqueur du scrutin. Raila Odinga était présent à cette conférence de presse mais avait refusé de parler. Son entourage avait dit qu’il ne s’exprimerait qu’après les résultats. Par conséquent, on attend.

Par contre des leaders de l’opposition ont annoncé, ce samedi, qu’ils allaient se rendre, dans la journée à Kibera et Mathare, un autre bidonville de Nairobi, pour parler aux protestataires. Peut-être s’agit-il d’une tentative pour calmer le jeu. En tout cas, les propos des politiques sont très scrutés.

Vendredi, après la victoire du président Kenyatta, un leader de la Nasa, coalition de l’opposition, James Orengo, a remis en causel’impartialité des observateurs internationaux, ajoutant que l’opposition ne ferait pas de recours en justice et qu’aucune force ne pouvait aller contre celle du peuple. « Des propos irresponsables », a réagi une source diplomatique.

Situation également très tendue à Kisumu

A Kisumu, bastion de l’opposition, dans l’ouest du Kenya, des affrontements ont également eu lieu entre manifestants et policiers dans les quartiers pauvres de la ville. Ils ont duré toute la nuit de vendredi et se sont poursuivis toute la matinée de ce samedi. Difficile d’établir un bilan pour l’instant, mais le commissaire régional a annoncé, ce matin, devant la presse, la mort d’une personne. L’homme a été retrouvé mort à Maseno, une petite ville, à 30 kilomètres au nord de Kisumu. Selon la police, il se livrait à des pillages.

« Il a fallu le stopper », a déclaré le commissaire régional, Wilson Njenga, sans donner plus d’explications. Il a également précisé que trois personnes ont été arrêtées depuis l’annonce, vendredi, des résultats de l’élection présidentielle, assurant que les tirs à balles réelles ne sont utilisés qu’en cas « d’ultime recours ».

Pourtant, ce samedi matin, un médecin de l’hôpital Jaramogi, situé à proximité du bidonville de Kondele, confie avoir reçu cinq blessés dont trois par balles et deux, apparemment battus. Et puis, une journaliste locale du comté voisin de Siaya rapporte qu’un homme a été retrouvé mort près de la ville de Bondo.

Il est difficile, par conséquent, d’établir un bilan clair, pour le moment, mais ce qui est sûr c’est que dans les rues, on dénonce un usage excessif de la force de la part de la police. Celle-ci aurait fait irruption dans des maisons puis battu et chassé des habitants, selon plusieurs témoignages. Mais les habitants dénoncent également des pillages de la part de manifestants.

A Kisumu, le ton monte. Des journalistes ont été violemment interpellés par des groupes de jeunes en colère, ce samedi matin, et cet après-midi, on peut encore entendre un peu partout, de temps à autre, des tirs. Ces troubles, soulignons-le, restent très localisés, en dehors du centre-ville. Ici aussi, comme à Kibera, beaucoup attendent, avec de plus en plus d’impatience, une parole de Raila Odinga, leur leader.

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