Comment Barack Obama a remporté les élections françaises

.Barack OBAMA - © Malick MBOW
.Barack OBAMA – © Malick MBOW

Un cabinet de conseil créé par d’anciens bénévoles (français) de l’ex-président américain a aidé Emmanuel Macron dans sa conquête du pouvoir.

22/06/2017

Comment Obama a remporté les élections françaises

POLITIQUE – En obtenant dimanche 18 juin la majorité absolue à l’Assemblée nationale, le parti d’Emmanuel Macron a remporté une victoire retentissante à l’issue du second tour des élections législatives.

Cette victoire, qui bouleverse en profondeur la vie politique française, est d’autant plus remarquable que ce parti n’a qu’un an d’existence et que plusieurs élus sont de parfaits novices. Le président lui-même était pratiquement inconnu il y a un an. Mais en raison de la fragmentation des grandes formations traditionnelles, En Marche a réussi à se présenter en parti capable de transcender le clivage gauche-droite pour mener les réformes.

Les campagnes présidentielle et législative d’En Marche étaient à l’image de celle de Barack Obama en 2008, avec de jeunes candidats appelant au changement, et un vaste mouvement populaire de bénévoles allant à la pêche aux voix. En coulisses, le parallèle est encore plus évident, car Emmanuel Macron a engagé le cabinet de conseil Liegey Muller Pons pour importer en France les stratégies électorales de terrain et les méthodes de collecte de données rappelant les deux campagnes présidentielles d’Obama.

Importer en France certaines méthodes observées aux États-Unis

Les fondateurs du cabinet, Vincent Pons, Arthur Muller et Guillaume Liegey, se sont rencontrés à Harvard et au MIT. Ils ont également fait du porte-à-porte bénévolement pour la campagne de Barack Obama, ce qui leur a permis d’être aux premières loges pour observer l’utilisation massive des données, les méthodes de démarchage et les informations livrées par les électeurs.

Vincent Pons, qui a démarché pour le président américain dans le New Hampshire en 2012, dit avoir été frappé par le niveau technologique et professionnel de la campagne d’Obama comparé à celui des élections françaises. Les trois hommes ont fondé leur cabinet dans l’idée d’importer en France certaines méthodes observées aux États-Unis.

Liegey Muller Pons a développé un algorithme croisant les données du recensement et les précédents résultats électoraux pour aider En Marche à repérer les zones représentatives du pays. En 2016, le parti d’Emmanuel Macron a envoyé des dizaines de milliers de bénévoles discuter avec les électeurs potentiels de ces quartiers, utilisant ces visites comme un immense panel de discussion pour identifier leurs préoccupations.

« Cette initiative n’avait pas pour but de convaincre les électeurs de voter pour Macron », explique Vincent Pons, qui est aussi professeur adjoint à la Harvard Business School. « Mais plutôt de discuter et de combler l’écart entre eux et la politique. »

Le porte-à-porte et la sollicitation des électeurs hors périodes électorales

En Marche a enregistré des dizaines de milliers de conversations, utilisant les données recueillies pour élaborer le programme d’Emmanuel Macron et sa stratégie de communication. Le mouvement a aussi constitué très tôt une base de bénévoles et de militants dans les zones clés sur laquelle il a pu s’appuyer durant la campagne officielle. Liegey Muller Pons a continué d’alimenter la stratégie électorale avec des analyses issues de ces données.

Vincent Pons pense que le porte-à-porte et la sollicitation des électeurs hors périodes électorales (initiatives inédites en France) ont permis à Emmanuel Macron de convaincre des personnes désabusées qui seraient restées sourdes aux appels ultérieurs à se rendre aux urnes, et créé l’image d’un parti à l’écoute des doléances des citoyens avant même de solliciter officiellement leur suffrage.

En Marche et Emmanuel Macron ont fait campagne sur un programme mêlant politique centriste pro-européenne, promesses de réformes et changement par rapport aux partis établis. À la différence des campagnes plus radicales des candidats d’extrême gauche et d’extrême droite, qui ont attiré davantage de jeunes, En Marche a été choisi à peu près également par toutes les tranches d’âge. Le parti a obtenu ses meilleurs résultats dans les grandes villes et chez les diplômés.

« Le succès d’En Marche montre qu’on peut apporter une réponse forte avec des idées certes raisonnables et progressistes, mais porteuses de changement pour la simple raison que le candidat n’est pas un vieux routier de la politique et qu’il est entouré de nouveaux visages », ajoute-t-il.

Même si le faible taux de participation aux élections législatives a quelque peu terni ces succès, les résultats du scrutin montrent que le parti d’Emmanuel Macron a la majorité nécessaire pour mener les réformes promises durant la campagne.

Mais il est probable que certaines des réformes pro-business du nouveau président se heurteront au rejet d’une frange de la population. La faible participation suggère aussi que la politique actuelle ne suscite pas l’enthousiasme. Dans le passé, les syndicats ont fait descendre des millions de personnes dans la rue contre les réformes. Ils ont déjà averti Emmanuel Macron qu’il ferait bien de ne pas engager sa réforme du travail à la hussarde.

 

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