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Emmanuel Macron, élu président, salue ses supporters à son arrivée à la Pyramide du Louvre, le 7 mai 2017 à Paris

 

Emmanuel MACRON - © Malick MBOW
Emmanuel MACRON – © Malick MBOW

Par Jules Pecnard, publié le 08/05/2017

 

 

 

afp.com/Eric FEFERBERG

Malgré sa large victoire face à Marine Le Pen, le nouveau président de la République ne bénéficie d’aucun répit de la part de ses adversaires.

Les présidents passent, les périodes de répit rapetissent. Emmanuel Macron, élu avec 66,1% des voix dimanche, en est conscient. Au lendemain de son triomphe électoral face au Front national, il ne bénéficiera pas de l’état de grâce généralement accordé par les Français à leur nouveau chef d’Etat. Confronté à une crise politique doublée d’une profonde fracture sociologique du pays, le président élu est déjà dans le collimateur de ses nombreux opposants.

  1. Une légitimité fragile

Les circonstances mêmes de la victoire d’Emmanuel Macron contiennent les racines de sa fragilité. Malgré son score élevé, le fondateur d’En Marche! n’a pu empêcher plus d’un tiers (33,95%) des inscrits sur les listes électorales de bouder les urnes ou de voter blanc ou nul.

S’ajoute à cela le fait que, selon un sondage Ipsos/Sopra Steria réalisé pour France Télévisions et publié dimanche soir, 43% des électeurs du nouveau chef de l’Etat ont voté pour lui pour barrer la route à Marine Le Pen. 16% d’entre eux ont voté pour son programme et 8% pour sa personnalité, ce qui aboutit à un total de 24% d’adhésion, soit l’équivalent de son score de premier tour.

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« Il aura beaucoup de mal à acquérir une cote de popularité positive. Même Benoît Hamon aurait été élu face à Marine Le Pen. Donc ce qu’il s’est produit le 7 mai ne peut pas représenter un rapport de force réel », décrypte pour L’Express Jérôme Sainte-Marie, politologue et président de l’institut de sondage PollingVox. « L’adhésion d’Emmanuel Macron doit être construite. Elle ne peut en aucun cas être déduite de sa victoire », ajoute-t-il.

  1. Le choix toujours perdant du Premier ministre

À cette aune, le choix du premier Premier ministre du quinquennat s’avère décisif et ne peut, comme auparavant, découler d’un simple calcul d’équilibriste. L’ancien ministre de l’Economie avait prévenu, durant l’entre-deux-tours, qu’il ne commettrait pas la même erreur que Jacques Chirac en 2002. À savoir se contenter, à l’issue d’une large victoire face au candidat frontiste, d’un repli sur son socle politique et idéologique pour la composition du gouvernement.

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A contrario, la méthode sarkoziste de « l’ouverture », artificielle et politicienne, risque d’être condamnée par les observateurs et incomprise par l’opinion publique.

 

Chiraquien, ancien président des maires de France et en charge des investitures d’En Marche! pour les législatives, Jean-Paul Delevoye est un Premier ministre potentiel.

AFP PHOTO/POOL/ETIENNE LAURENT

Par conséquent, Emmanuel Macron se trouve dans une position difficile, la nomination d’un ténor social-libéral du Parti socialiste pouvant être perçue comme un acte de continuité vis-à-vis du quinquennat Hollande. De l’autre côté, le choix d’un membre des Républicains sera encore plus délicate, la droite étant beaucoup plus déterminée que le PS dans sa volonté de constituer une opposition politique au pouvoir exécutif naissant. Entre les deux, la marge est étroite.

  1. Des législatives difficiles

Quel qu’il soit, le prochain locataire de Matignon devra mener la campagne des élections législatives de juin. Un scrutin qui s’annonce très compliqué, tant le paysage politique est désormais éclaté, tant la formation ayant obtenu la victoire demeure, elle, en phase de construction.

Comme l’explique Jérôme Sainte-Marie, « il n’y a aucun groupe ou parti politique qui va s’agréger naturellement à celui d’Emmanuel Macron, comme c’était par exemple le cas pour des composantes de la gauche avec François Mitterrand ou François Hollande. Du coup, il va être obligé de grappiller chez des gens, au PS et chez LR, qui conservent un logiciel partisan à l’ancienne. »

Un exercice d’autant plus périlleux qu’il risque de donner lieu à des ralliements de circonstance, qui certes pourraient permettre au chef de l’Etat d’obtenir une majorité relative à l’Assemblée nationale malgré une faible légitimité électorale. Mais ils ne le préserveront ni de l’instabilité parlementaire propre à ces échafaudages, ni de l’étroitesse de son socle populaire.

  1. La grogne sociale

Car il faut le rappeler: la victoire d’Emmanuel Macron n’a en rien pacifié la grogne sociale et la fracture sociologique qui minent la France. Au plan syndical, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, a donné le la dans une interview publiée sur le site du Parisien dimanche à 23h59. Dedans, il affirme son refus de voir passer « une loi Travail XXL » par ordonnance.

Le patron de la CGT Philippe Martinez (au centre) et celui de FO, Jean-Claude Mailly (à droite), sont d’ors et déjà dans une logique d’opposition au nouveau chef de l’Etat.

afp.com/MIGUEL MEDINA

L’entretien, au-delà de son timing, montre combien le nouveau chef de l’Etat est arrivé à la tête d’un pays dont une part significative des habitants et des corps intermédiaires rejettent -ou du moins, remettent en cause- la doctrine économique libérale. Identifiée à celle-ci, Emmanuel Macron aura fort à faire pour rassurer les couches sociales défavorisées, largement captées par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

« Ce qu’a révélé cette élection, et le second tour n’a fait que le confirmer, c’est l’existence d’un vote de classe extrêmement fort. Dans les grandes villes, dans les catégories insérées dans la globalisation, qui sont électoralement minoritaires, la victoire d’Emmanuel Macron apparaît, après le Brexit et l’élection de Trump, comme une divine surprise », estime Jérôme Sainte-Marie, pour qui l’ancien banquier d’affaires demeure perçu comme le candidat du « bloc élitaire ».

  1. Des oppositions politiques inédites

« Dans ce cadre, Emmanuel Macron ne dispose d’aucun allié naturel. Pour être plus précis, il en a à la fois un peu partout et nulle part », abonde le sondeur. « Mais il a un avantage, c’est d’être confronté à quatre blocs politiques irréconciliables. » Citons d’abord Les Républicains, qui disposent d’un réseau d’élus très fort et d’une dynamique préservée, nonobstant l’élimination de François Fillon au premier tour. Il y a ensuite le Parti socialiste, dont certains membres veulent combattre l’inexorable décomposition en forgeant une alliance avec écologistes et communiste

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