Jean Ping : « Je suis habité par la responsabilité de veiller sur le peuple Gabonais qui m’a élu le 27 août 2016 »

Jean Ping © Malick MBOW
Jean Ping © Malick MBOW

Au lendemain de la nomination par Ali Bongo Ondimba de son premier ministre, Jean Ping désigné « président élu » par ses partisans, a prononcé un message à la Nation ce jeudi le 29 septembre 2016, à Libreville, au sein de son domicile sis au Bas de Gué-Gué.

Nous vous publions in extenso, le contenu de la son allocution.

Gabonaises, Gabonais, mes chers compatriotes,

Au nom des Gabonaises et des Gabonaises de toutes générations et de toutes conditions, je prends la parole aujourd’hui, pour exprimer une fois de plus la consternation de tout un peuple meurtri dans sa chair et dans son âme, suite aux graves évènements auxquels nous avons tous assisté ces derniers jours dans notre pays.

Au lendemain de la nomination d’Ali Bongo comme président de la République, par la Cour constitutionnelle, je me suis exprimé pour dénoncer ce coup d’état militaro-électoral. Depuis lors, vous avez constaté que j’ai observé un relatif silence.

J’ai entendu les appels des Gabonais de toutes les provinces et de la diaspora. Je voudrais vous rassurer, j’affirme ici ma détermination à assumer mes responsabilités de président élu par le peuple souverain ; au-delà des circonstances qui nous sont imposées.

Je suis habité par la responsabilité de veiller sur le peuple Gabonais qui m’a élu le 27 août 2016.

Président élu par vous, peuple gabonais, je réaffirme ubi et orbi que je ne reconnaîtrai pas le pouvoir d’Ali Bongo qui a les mains souillées du sang de nos compatriotes.

Je ne reconnaitrai pas ce pouvoir qui a fait massacrer froidement de nombreux Gabonais, tout simplement parce qu’ils réclamaient le respect de leurs suffrages exprimés le 27 août 2016.

Je ne reconnaîtrai pas ce pouvoir inquisiteur, qui enlève les Gabonais dans les rues, comme dans leurs maisons et les emprisonne arbitrairement.

Je ne reconnaîtrai pas ce pouvoir qui ne respecte pas les droits humains, y compris les plus élémentaires.

C’est pourquoi, je vous demande, Peuple gabonais, de rejeter massivement aussi ce pouvoir, de ne lui accorder aucun crédit ; en vertu de la légitimité que vous m’avez donnée.

A nos frères et sœurs des forces de défense et de sécurité, je vous demande à nouveau de remplir votre devoir dans le strict respect de votre déontologie en évitant tout dérapage et toute atteinte aux droits de l’Homme.

Mes chers compatriotes,

Avec l’audace qui caractérise toujours tous ceux qui empruntent les raccourcis périlleux de l’histoire, voilà que l’imposteur appelle au dialogue. Quel dialogue ? Avec qui et dans quel but ?

Voilà quelqu’un qui a été désavoué par le peule et battu dans les urnes, qui demande à celui à qui il a volé l’élection de venir dialoguer avec lui !

Il le demande de surcroît le révolver sur la tempe, les hélicoptères d’attaque et les mirages volant à basse altitude au-dessus de nos maisons.

Non, nous ne cèderons ni aux menaces, ni aux intimidations. Nous n’irons à aucun dialogue sous l’égide de cet imposteur.

A ses appels trompeurs à un dialogue de légitimation, nous disons non.

A ses menaces et intimidations, nous ne cèderons pas.

Personnellement, dans mes fonctions nationales et internationales, je n’ai cessé de pratiquer le dialogue. Donc je ne suis pas fondamentalement contre le dialogue.

Ma position à ce sujet est claire, je ne m’associerai pas à cette vaine tentative de légitimation de la forfaiture que les Gabonais dénoncent.

J’appelle chaque Gabonaise et chaque Gabonais à une résistance active jusqu’à la fin de la forfaiture.

Le peuple gabonais doit rejeter et faire obstacle, avec la plus grande détermination, à cette nouvelle imposture qui veut s’imposer à notre pays.

Nous devons Tous refuser ce coup d’état militaro-électoral qui n’offre aucune perspective au Gabon. Pour ma part, je m’y engage.

Des compatriotes sont morts, parmi lesquels de nombreux jeunes, tués par ce pouvoir. Ils ne doivent pas être morts pour rien. Ils ne sont pas morts pour rien. Ils sont morts pour que la démocratie, l’alternance et le changement voient enfin le jour dans notre pays.

Nous devons à ces héros de réaliser ce pour quoi ils ont consenti au sacrifice suprême.

Notre combat n’est pas contre un ou des individus : quel qu’ils soient. Notre combat est contre un système dictatorial et pour la démocratie.

Dans le respect des normes internationales en matière de démocratie, en accord avec l’éthique républicaine, nous devons ensemble nous engager pour la libération de notre pays du joug de cette dictature qui vient d’être réinstallée par la Cour constitutionnelle.

C’est fort de tout cela qu’avec gravité, j’annonce solennellement les initiatives qui suivent :

J’invite le peuple Gabonais à observer, le jeudi 6 octobre 2016, une journée nationale de recueillement pour nos morts et de compassion pour toutes les familles endeuillées, et toutes les victimes de la barbarie qui s’est abattue sur notre pays.
Le jeudi 6 octobre 2016, les Gabonais des neuf (9) provinces et de la diaspora sont invités à rester chez eux et à observer une journée de recueillement, de méditation et de réflexion.

J’appelle le peuple à se préparer à un dialogue national inclusif qui sera organisé à mon initiative et selon des modalités qui sont à l’étude.
Parce que ce nouveau coup d’Etat militaro-électoral a créé dans notre pays une situation de crise sans précédent dans notre histoire, il me reviendra d’œuvrer prioritairement à la réconciliation des filles et fils de ce pays en ouvrant un dialogue national inclusif.

Ainsi, j’invite les Gabonaises et les Gabonais de toutes les conditions, pour que nous nous mettions autour d’une table afin de jeter ensemble les bases du nouveau Gabon que nous souhaitons tous : le Gabon de justice, de vérité, de transparence et de bonne gouvernance.

Ce dialogue national inclusif sera, pour la majorité nouvelle que nous confère le suffrage du 27 août 2016, avec tous les Gabonais, l’occasion de mettre en place les fondements d’une nouvelle République.

J’invite dès cet instant, les partis politiques, les syndicats, la société civile, les confessions religieuses, la diaspora et toutes les autres forces vives de la Nation à se préparer à prendre une part active à ce dialogue national.

Je lance un appel solennel au monde libre.
Dans cette bataille pour la libération de notre pays, nous demandons au monde libre de se tenir aux côtés du peuple gabonais en danger.

La Communauté internationale, avec insistance, a fait valoir l’impérieuse nécessité de se conformer aux voies légales et de jouer le jeu des institutions. Le processus électoral s’est soldé par le vote massif des Gabonais en ma faveur, malheureusement suivi d’un coup d’état militaro-électoral. Et cela, nul ne le conteste.

C’est le lieu ici, d’inviter la Communauté internationale à prendre toutes ses responsabilités, devant cette situation qui l’engage également.

Nous demandons à la communauté internationale de prendre des sanctions ciblées à l’encontre des personnes qui se sont rendues coupables de ce coup d’état militaro-électoral.

Nous demandons aux organisations humanitaires, notamment à Amnesty international, et au Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI), de venir au Gabon pour faire toute la lumière sur les assassinats, les disparitions et les violations des droits de l’Homme qui sont perpétrés dans notre pays depuis le 31 août 2016.

Pour sa part, le peuple Gabonais est résolu à prendre son destin en main.

Gabonaises, Gabonais, mes chers compatriotes,

En cette période décisive de l’histoire de notre pays, comme je m’y suis engagé personnellement, je ne cèderai pas, je ne reculerai pas.

Le Gabon est notre pays. Son destin repose d’abord et avant tout sur la détermination de chaque Gabonaise et de chaque Gabonais.

Ensemble, disons-le : 2016 ne sera pas 2009.

Que Dieu bénisse le Gabon

Je vous remercie.

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