Ken Loach remporte pour la deuxième fois la Palme d’Or du Festival de Cannes

Vivien Drouillas

22 mai 2016

Ken LOACH - © Malick MBOW
Ken LOACH – © Malick MBOW

 

Après douze jours d’effervescence, le verdict du 69ème Festival de Cannes vient de tomber : la Palme d’Or est attribuée à I, Daniel Blake (Moi, Daniel Blake) de Ken Loach. C’est la seconde distinction à Cannes pour le réalisateur britannique après Le vent se lève en 2006. Retour sur la cérémonie du festival considéré comme l’épicentre du monde du cinéma.

Pardonnez-moi, j’avais sous-estimé le nombre de marches à gravir”, s’amuse Laurent Laffite. Le maître de cérémonie multiplie les clins d’oeil au septième art au cours d’un petit montage en escaliers où le comédien traverse les décors des films marquant allant de “Nosferatu” à “Vertigo” pour finir sur les marches de l’affiche du 69ème festival de Cannes, tirée du film de Godard, “Le Mépris”. L’ambiance reste pourtant difficile à dérider, et ce, même durant l’interlude musical offert entre autres par Ibrahim Maalouf et le groupe LEJ.

Le jury composé d’Arnaud Desplechin, Kirsten Dunst, Valeria Golino, Mads Mikkelsen, Laszlo Nemes, Vanessa Paradis, Katayoon Shahabi et Donald Sutherland, a rendu son verdict, départageant les 21 films sélectionnés, pourtant sans grand favoris cette année. C’est finalement encore un habitué du festival qui reçoit la Palme d’or. Cette dernière est remise à Moi, Daniel Blake, de Ken Loach des mains de George Miller et Mel Gibson.

Un film dans la veine sociale et engagée de l’oeuvre du réalisateur britannique, qui revendique un “cinéma de protestation”: “Le cinéma fait vivre l’imagination mais nous présente le monde dans lequel nous vivons. Ce monde se trouve dans une situation dangereuse. Il est guidé par des idées néo-libérales qui risquent de nous mener à la catastrophe. Elles ont traîné dans la misère des millions de personnes de la Grèce au Portugal. Le cinéma a une tradition de protestation, le peuple contre les puissants, j’espère que cette tradition va continuer. Nous approchons une période de désespoir. Cela amène l’extrême droite, il faut ramener l’espoir. Un autre monde est possible. Il est possible et nécessaire” scande en fin de discours le cinéaste militant.

Le récap’ de la cérémonie

Comme à son habitude, c’est les larmes aux yeux que Xavier Dolan prononce son discours de remerciement pour le Grand prix du jury. “Tout ce qu’on fait dans la vie, c’est pour être aimé. Moi oui!”, déclare-t-il, des trémolos dans la voix, “je comprends désormais qui je suis, votre amour me laisse croire qu’il faut faire des films qui me ressemblent. L’émotion arrive toujours à destination”, dit Xavier Dolan, forcé de s’interrompre en évoquant son chef costumier qui est mort “sans avoir vu ce film”.Ce Grand prix est la deuxième récompense cannoise que remporte Dolan, qui avait reçu le Prix du jury en 2014 pour “Mommy”.

La palme d’or du court-métrage est remise cette année à Juanjo Gimenez pour “Timecode”. Il dédie sa récompense à son unique compatriote ayant la palme d’or Luis Bunuel. Mention spéciale du jury à Joao Paulo Miranda Maria, pour “La jeune fille qui dansait avec le diable”. Malaise : le réalisateur attendra debout dans le public, sans savoir si, oui ou non, il doit monter sur scène.

La caméra d’or, qui salue une première œuvre, est attribuée à “Divines” de Houda Benyamina. La franco-marocaine mériterait aussi le prix du discours le plus tonique et agréablement anarchique. Après avoir réclamé davantage de “femmes décisionnaires”, puis lancer à Edouard Waintrop, directeur de la Quinzaine des réalisateurs,”T’as du clit”, elle lâche quelques Youyous de joie à sa maman présente dans la salle.

La Palme d’or d’honneur est remise à Jean-Pierre Léaud. L’acteur fétiche de François Truffaut et de Jean-Luc Godard était venu pour la première fois sur la Croisette avec “Les 400 coups” en 1959. Cette année, il était à l’affiche de La “Mort de Louis XIV”, d’Albert Serra,récit intime et superbe de la décrépitude du pouvoir.

Le prix d’interprétation masculine revient au comédien iranien Shahab Hosseini, pour “Client” d’Asghar Farhadi. Plus émouvante dans son discours car totalement surprise par la récompense, Jaclyn Jose se voit honorée du prix d’interprétation féminine pour “Ma’Rosa”.

Doubles récompenses

Asghar Farhadi ne s’attendait pas à un deuxième prix pour son film, il recevra néanmoins le prix du scénario pour “Forushande”. Il aurait pourtant dû voir quelques signes annonciateurs. “Quand on travaillais sur ce film, on s’est rendu dans une salle de cinéma pour l’étalonnage. Il fallait patienter, on m’a proposé de regarder Mad Max, ce que j’ai pris pour un bon signe”, révèle-t-il dans un clin d’oeil au président du jury George Miller.

Quand il en a pour un, il y en a pour deux. C’est du moins ce que les membres du jury ont dû se dire puisqu’ils décernent un double Prix de la mise en scène à Cristian Mungiu pour “Baccalauréat” et Olivier Assayas pour “Personal Shopper”, flatté de recevoir “le plus beau prix avec un cinéaste que j’admire”. Une demi-victoire pour le hongrois Mungiu qui doit se contenter du Prix de la mise en scène, lui qui en 2007 avait remporté la Palme d’or.

Le Prix du jury est quant à lui remis à Andrea Arnold pour son road-movie dans l’Amérique profonde. “American Honey”. “Quand je suis heureuse j’ai envie de danser”, a dit lors de son discours la réalisatrice déjà primée pour “Fish Tank” en 2009 avec le même prix.

Le palmarès du 69ème Festival de Cannes

  • la Palme d’Or à “Moi, Daniel Blake”, du Britannique Ken Loach
  • le Grand Prix à “Juste la fin du monde”, du Canadien Xavier Dolan
  • le prix de la mise en scène ex-aequo au Français Olivier Assayas (pour “Personal Shopper”) et au Roumain Cristian Mungiu (pour “Baccalauréat”).
  • le prix du scénario à l’Iranien Asghar Farhadi pour “Le Client” (”Forushande”)
  • le prix d’interprétation féminine à Jaclyn Jose, pour son rôle dans “Ma’Rosa”, du Philippin Brillante Mendoza
  • le prix du jury à “American Honey”, de la Britannique Andrea Arnold
  • le prix d’interprétation masculine à Shahab Hosseini, pour son rôle dans “Le Client”(”Forushande”), de l’Iranien Asghar Farhadi
  • la Caméra d’or à “Divines”, premier long-métrage de la Franco-Marocaine Houda Benyamina (Quinzaine des réalisateurs)
  • la Palme d’or du court-métrage à “Timecode”, de l’Espagnol Juanjo Gimenez, ainsi qu’une mention spéciale du jury pour le Brésilien Joao Paulo Miranda Maria, pour “La Jeune Fille qui dansait avec le diable”.

Rappel du palmarès de la section “Un certain regard” a été décerné ce samedi soir par le jury présidé par Marthe Keller :

  • Prix Un Certain Regard :The Happiest Day in the Life of Olli Mäki”, de Juho Kuosmanen
  • Prix du Jury :Harmonium” de Fukada Kôji
  • Prix de la Mise en Scène : Matt Ross pour “Captain Fantastic”
  • Prix du Meilleur Scénario : Delphine Coulin & Muriel Coulin pour “Voir du pays”
  • Prix Spécial Un Certain Regard : “La Tortue rouge”, de Michael Dudok de Wit
  • L’Oeil d’or, prix du meilleur documentaire toutes sections confondues, été remis à “Cinema Novo”, d’Eryk Rocha, une exploration poétique du plus important mouvement de cinéma d’Amérique Latine, et présenté à Cannes Classics.

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